Lavrov : un Machiavel au service de Poutine

Lavrov : un Machiavel au service de Poutine
La diplomatie russe, c’est lui. Sergueï Lavrov, le fidèle ministre des Affaires étrangères de Vladimir Poutine, qui a façonné les relations internationales de la Russie ces dix dernières années. Il est désormais l’homme qui a fait avancer le dossier syrien, au point mort depuis des mois. Alors que le début de l’attaque américaine semblait ne plus être qu’une question de jours, Sergueï Lavrov a glissé de justesse le pied dans la porte en appelant Bachar al-Assad à déposer les armes, du moins chimiques. La réponse positive de Damas oblige maintenant Barack Obama à revoir son calendrier et à se remettre à la table des négociations avec Vladimir Poutine, en surmontant les vexations des derniers mois.

On le voit, le chef de la diplomatie russe est pragmatique. Et conséquent. D’abord, la Russie a refusé d’admettre que le pouvoir syrien détenait des armes chimiques. Mais face à la résolution américaine d’en venir aux frappes, Moscou a fait, pour la première fois depuis le début du conflit syrien, un pas de côté, un peu en diagonale même, à la rencontre des Etats-Unis et de leurs alliés. En sommant le régime syrien de se défaire de son arsenal chimique et de rejoindre enfin l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, Sergueï Lavrov a repris la main dans les pourparlers avec l’Occident et gagné du temps. Les négociations s’annoncent d’ores et déjà difficiles, et le diplomate russe va pouvoir, de nouveau, remettre son costume favori de «Monsieur Niet».

Polyglotte. Lavrov est l’un de ces politiciens russes professionnels, tombé dans la marmite diplomatique dès ses études à l’Institut d’Etat des relations internationales de Moscou (MGIMO) à la fin des années 60. Pour la petite histoire, il est l’auteur de l’hymne de l’école et prend part, souvent, à son bêtisier théâtralisé. Dès le début des années 70, Sergueï Lavrov a navigué entre les ambassades, l’ONU, le ministère des Affaires étrangères soviétique puis russe. En tout, ce polyglotte (il parle l’anglais, le français, le cinghalais et se débrouille même en arabe) de 63 ans en aura passé vingt à l’étranger, dont quinze aux Etats-Unis, qui n’ont donc aucun secret pour lui. Pendant ses années onusiennes, Sergueï Lavrov aurait fait preuve d’une grande indépendance et d’un esprit d’initiative peu communs dans ses rapports avec Moscou.

Autonomie. Sans ressembler à Poutine, le fin, habile et diplomate Lavrov n’en est pas moins d’une loyauté absolue au président russe, depuis que ce dernier est arrivé au pouvoir. Quand Lavrov a pris ses fonctions en 2004, il était l’un des diplomates les plus respectés par les élites politiques, aussi bien internationales que russes. Son autonomie a fait débat. Pour les uns, il n’avait rien perdu de son indocilité, continuait à agir librement et prendre des décisions sans forcément se référer à l’état-major. Pour les autres, il était devenu un simple exécutant technique prolongeant à l’extérieur la politique intérieure de Poutine. Du reste, les deux hommes s’accordent sur l’importance de la Russie dans la sphère géopolitique mondiale et sur la nécessité de défendre ses intérêts avec fermeté, voire dureté. C’est pourquoi, peut-être, Sergueï Lavrov ne s’est-il jamais vraiment entendu avec Dmitri Medvedev, le président par intérim entre 2008 et 2012, qui avait adopté une attitude plus conciliante à l’égard des éternels adversaires. Le ministre n’a jamais digéré la décision du chef de l’Etat de laisser les Occidentaux intervenir en Libye, en 2011. Pour Lavrov, ce «moment de faiblesse» a été une trahison du principe de non-ingérence qui lui est si cher.

L’objectif affiché de Lavrov a toujours été de faire de la Russie un acteur indispensable et incontournable sur la scène internationale. A en juger par le tour pris par l’affaire syrienne, pour l’heure, le pari semble gagné.

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