La stratégie « illusoire » de François Hollande

« Braconnage vers le centre », « flagrant délit minutieusement organisé »: la presse de vendredi n’est pas dupe des arrières-pensées de l’appel à la « concorde » nationale lancé la veille par François Hollande.

En route pour Bruxelles, François Hollande a inauguré jeudi à Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais) un monument commémorant les "fraternisations" entre soldats français et allemands pendant la Première Guerre mondiale.

Le chef de l’Etat a profité de cette visite effectuée au côté du nouveau président de région, Xavier Bertrand (Les Républicians) pour lancer un appel à la "concorde" nationale. "Tout l’art du politique est de savoir surfer sur l’actualité" analyse Philippe Marcacci, de l’Est Républicain.

Daniel Muraz, du Courrier Picard, reconnait l’habilité du chef de l’Etat à "récupérer la réalité de ces soldats réfractaires au profit de l’actualité de 2015".

Mais pour lui, l’intention fait sens: "honorer les fraternisations d’hier, c’est aussi redonner un sens au débat politique – qui avait été annihilé entre 14 et 18" reconnaît Daniel Muraz, du Courrier Picard.

Denis Daumin de la République du Centre Ouest, y voit plutôt un exercice politicien: "un flagrant délit minutieusement organisé" pour "disloquer le front que prétendait tenir le généralissime Sarkozy"… et endiguer, en sa faveur, la progression du Front national, donné présent au second tour de la présidentielle par l’ensemble des sondages.

De fait, Hervé Chabaud, du quotidien L’Ardennais, regrette que "la mémoire serve de marchepied à la politique". Et se demande si "le travail d’histoire doit offrir une tribune susceptible de nourrir les contresens et les anachronismes".

Une "stratégie illusoire"

Rémi Godeau de l’Opinion condamne carrément "ce braconnage vers le centre": "On est loin du renouvellement (des hommes, des règles, de l’offre) réclamé par les Français! Cette stratégie est bien sûr illusoire. Pourquoi aujourd’hui alors que la main tendue de François Bayrou est restée sans suite en 2012?"

Il n’empêche: l’image, toute symbolique, d’un président de gauche aux côtés de Xavier Bertrand, fait la Une du quotidien Libération tant elle véhicule ce message d’Union nationale. "L’idée a sa cohérence", reconnait Laurent Joffrin. "D’abord elle est populaire. Toujours dans l’opinion française court cet espoir d’une entente de bonne volonté entre camps opposés."

Mais la manoeuvre trouve ses limites: "Outre qu’elle a toujours échoué sous la Ve République, la troisième force fait ipso facto une croix sur l’espoir de reconquérir un électorat populaire encore sensible à la justice sociale".

Et de s’interroger: "Sans le secours d’une partie des quelque 10 % ou 15 % qui votent à gauche du PS, un candidat socialiste n’a pratiquement aucune chance d’y parvenir. Peut-il se permettre de les ignorer?"

Pour Philippe Marcacci, de l’Est Républicain, la réponse est "oui": "La gauche de la gauche ne pèse plus grand-chose. Elle ne peut plus servir d’appoint. La droite est toute à ses divisions. Le jeu consiste plus que jamais à en accentuer les fractures. Jusqu’à 2017."

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