La révolution, Kadhafi et le football

La Coupe d’Afrique des Nations des moins de 20 ans déplacée, le championnat arrêté, les rencontres de coupe annulées… Décidément le ballon ne tourne plus rond en Libye où le peuple n’est pas le seul à être pris en otage par Mouammar Kadhafi, ‘’le chef et le guide de la Révolution de la Grande Jamahiriya arabe populaire et socialiste’’.

La révolution, Kadhafi et le football
Les troubles tragiques que vit le pays ont fait aussi une victime : le football libyen. La Coupe d’Afrique des Nations des moins de 20 ans devait être organisé en Libye, principalement dans les villes de Tripoli et Benghazi, deux cités parmi les plus touchées par les confrontations meurtrières entre révolutionnaires et milices de Kadhafi. Elle a été déplacée, ce qui constitue un nouveau coup dur pour une population fanatique de ballon rond. Pour ce qui de l’édition de 2013, celle des grands, rien n’est pour le moment arrêté. Difficile cependant d’imaginer les grandes stars du football comme Eto’o, Drogba ou Kharja courir sur l’herbe libyenne. La CAF devait prendre une décision dans les mois qui viennent pour maintenir ou annuler l’organisation de la coupe d’Afrique en Libye.

Les joueurs africains eux-mêmes vivent une période difficile en Libye. Prêté six mois cette saison par l’Etoile du Sahel à l’Ittihad Tripoli, l’attaquant nigérian King Osanga (20 ans) n’a pas donné de nouvelles à ses proches depuis plusieurs jours. ‘’Depuis le début des combats dans la capitale, je n’ai plus eu de nouvelles, même écrites, de lui. Nous ne pouvons utiliser le téléphone ou Internet car les liaisons avec la Libye sont coupées’’, a déclaré le père du joueur à la presse nigériane. Plus visible mais guère mieux loti, Cuthbert Malajila, attaquant zimbabwéen du club libyen Al Akhdar, ne cesse de clamer son envie de quitter le pays.

Mais le football local n’est pas la seule victime du règne du Colonel. Entre Kadhafi et le championnat italien (Calcio), c’est une grande histoire d’amour. Kadhafi entretient en effet depuis longtemps des liens avec le championnat italien. Son fils, Saadi Kadhafi a fait une éphémère carrière de milieu de terrain à Pérouse, à l’Udinese et à la Sampdoria, marquée par une incapacité totale sur le terrain et une condamnation pour dopage. Car Saadi agit plutôt comme un entremetteur : c’est notamment grâce à lui que la Super Coupe d’Italie déménage à Tripoli en 2002, afin de célébrer l’entrée du clan Kadhafi dans le capital de la Juventus de Turin, à hauteur de 17,5%. Quelques années plus tard, en 2005, la Juventus signe un lucratif contrat de sponsoring maillot pour plus de 300 millions d’euros avec la Tamoil, la compagnie pétrolière libyenne, note le journal l’Equipe.

Saadi Kadhafi s’est même payé une équipe de football, Al-Ittihad, avec laquelle il a recruté quelques stars internationales. Le Camerounais Patrick Mboma y a passé six mois entre 2002 et 2003 : ‘’Kadhafi joue avec les gens comme un enfant avec ses jouets, avec très peu de respect pour l’être humain’’, explique-t-il à l’Equipe. ‘’Le fils fait au moins aussi peur que le père’’, poursuit l’ancien joueur du PSG. ‘’Les gens avaient peur de s’exprimer, de lever le petit doigt. Ça se répercutait même sur le terrain. Il fallait donner tous les ballons à-Saadi. Il ne fallait pas que les adversaires le fassent tomber. Les gens étaient tétanisés. Personne ne parlait. Un jour, il dit à un joueur qu’il allait guérir sa maman, malade. Mais comme il l’avait empêché de marquer un but, Saadi a décidé de ne plus l’aider’’.

Pour sa part, l’Italie entretient toujours des liens commerciaux privilégiés avec son ancienne colonie. De fait, de nombreuses entreprises italiennes ont investi en Libye. Et cela pourrait mettre sérieusement en danger le championnat italien.

Si Kadhafi est chassé du pouvoir, l’argent en provenance de ce pays pourrait être gelé, ce qui n’arrangerait pas les affaires de certaines d’entre elles. A commencer par Unicredit. La Libye possède 17,5% du groupe bancaire italien, choisi par la présidente de l’AS Rome, Rosella Sensi, pour vendre le club. La Juventus, de son côté, se ronge les ongles : l’argent de Kadhafi avait beaucoup aidé le clan Agnelli quand le club s’était retrouvé en Série B suite à l’affaire de corruption, appelée affaire du Calciopoli. Si la part minoritaire du dirigeant libyen ne risque pas de freiner le club, il pourrait toutefois freiner son évolution.

Atlasinfo-Ahmed Elmidaoui

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