La psychose du virus Zika grandit à Rio à la veille du carnaval

A dix jours du carnaval de Rio, la psychose du virus Zika, transmis par une piqure de moustique et associé à une explosion de cas de bébés microcéphales, grandit dans la ville qui accueillera les jeux Olympiques en août.

Malgré les promesses des autorités municipales d’éviter la prolifération du moustique tigre, porteur du virus, Roberto Medronho épidémiologiste à l’Université de Rio (UFRJ) souligne une présence très importante au Brésil due à "l’urbanisation désordonnée et des programmes de contrôle de faible efficacité".

"Il est très difficile de contrôler le moustique Aedes aegypti à Rio, où un tiers de la population vit dans les favelas avec de nombreux foyers de prolifération" comme les eaux stagnantes, déclare-t-il à l’AFP.

Dimanche, la mairie de Rio a assuré que "les inspections seront intensifiées pour les jeux Olympiques d’août, bien que ce soit une période pendant laquelle il y a moins de moustiques", puisque la région sera plongée dans l’hiver austral.

"Mais pendant le carnaval, en plein été et avec une grande circulation de personnes, il y a un risque objectif de contracter le Zika", affirme l’épidémiologiste.

Le ministre de la Santé, Marcelo Castro, s’est montré peu optimiste vendredi, estimant que le moustique Aedes aegypti était en train de remporter la "guerre" que lui mène depuis trente ans les autorités sanitaires au Brésil. Il a explicitement recommandé aux femmes "d’éviter de tomber enceinte en ce moment".

– "J’étais vraiment très nerveuse" –

Certaines ambassades (Royaume Uni et France) ont fait passé des messages de précaution à leurs sportifs et leurs ressortissants au Brésil tandis que celle des Etats-Unis a recommandé aux femmes enceintes d’éviter les voyages en Amérique latine.

Le Zika "va continuer à s’étendre" à tout le continent américain, à l’exception du Canada et du Chili, a prévenu lundi l’Organisation mondiale de la santé qui y voit un "sérieux sujet d’inquiétude".

Comme toutes les Brésiliennes enceintes, Manuela Mehl, procureur de 37 ans, relate l’expérience traumatisante d’avoir appris le lien entre Zika et bébé microcéphale au tout début de sa grossesse, la période considérée comme la plus dangereuse pour le foetus.

"Dans les premières semaines, vraiment j’étais très nerveuse. Je ne sortais plus de chez moi", raconte à l’AFP cette habitante de Copacabana qui en est à sa 16e semaine de grossesse.

"Mon médecin m’a dit de me protéger avec de l’anti-moustique, c’est le seul moyen de ne pas se faire piquer", ajoute-t-elle en montrant une trentaine de produits qu’elle a stockés en hâte car ils avaient pratiquement disparu des étagères des pharmacies.

"On voulait ce deuxième enfant. Mais si je n’avais pas été enceinte au moment où les informations ont surgies, j’aurais retardé ma grossesse pour éviter tout ce stress", confit-elle rappelant que l’avortement est interdit au Brésil sauf en cas de viol ou de foetus acéphale (sans cerveau).

– Situation comparable à la thalidomide –

Depuis 2015, 3.893 cas de microcéphalie chez des nourrissons, une malformation de la tête qui altère le développement intellectuel, ont été recensés au Brésil -la plupart dans le nord-est du pays – et sont probablement liés au virus Zika contracté par la mère et qui contamine le placenta, selon le ministère de la santé. En 2014, 147 cas seulement avaient été dénombrés.

"Certains bébés ne survivent même pas et d’autres auront des séquelles. Au long des années pourront surgir d’autres anomalies comme la surdité, comme cela a été le cas avec la rubéole. C’est sans doute seulement la pointe de l’iceberg aujourd’hui, affirme M. Medronho.

Pour lui, la situation est "comparable à celle de la thalidomide (médicament, ndlr) dans les années 1960 où nous avons eu une génération de bébés sans bras ou jambes".

"Il y a un risque d’enfants microcéphales avec des neuropathies qui ne pourront ni étudier ni travailler. C’est une tragédie pour les familles, généralement les plus pauvres. L’épidémie va passer mais les microcéphales seront toujours là et cela va surcharger le système de santé", souligne le chercheur.

L’infection en elle-même, non contagieuse, se manifeste par des symptômes grippaux (fièvre, maux de tête, courbatures) avec des éruptions cutanées.

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