La palmeraie de Marrakech, un joyau menacé malgré les replantations

L’Observatoire de la palmeraie de Marrakech a atteint son objectif de replanter quelque 500 000 palmiers. Cela suffira-t-il pas à sauver le poumon vert de la ville ocre ?

Chrystelle Carroy (à Marrakech)

L’Observatoire de la palmeraie de Marrakech (OPM) est sur tous les fronts. Il a replanté environ 500 000 palmiers en moins de six ans, dépassant les objectifs assignés par le plan de sauvegarde de cet oasis urbain et périurbain. Ce n’est « que » la plus visible des actions de l’OPM. Car de nombreuses menaces pèsent sur ce patrimoine végétal emblématique de Marrakech, où se tient la prochaine conférence mondiale sur le climat (COP22) du 7 au 18 novembre 2016.

Urbanisation galopante, sécheresse, insectes ravageurs doivent être maîtrisés, pour que les palmiers continuent à jouer leur rôle. Comme le décrit un expert reconnu, Abdelilah Meddich, professeur d’agronomie à l’université de Cadi Ayyad, associé à l’OPM : « Les palmes servent pour l’artisanat dans la fabrication de sacs ou de tapis, les troncs morts pour les constructions traditionnelles. Les dattes pourvoient à l’alimentation humaine et animale. Nous avons effectué des mesures de qualité de l’air qui montrent que celle-ci s’améliore en présence des palmiers. Ils contribuent au piégeage du carbone et sont excellents pour le tourisme. » Sans compter leurs atouts pour la biodiversité.

Après les replantations, vient la préservation de la palmeraie. En vue d’assurer cette mission, l’OPM rassemble des acteurs du secteur privé et de la société civile, comme depuis son lancement en 2006, sous le nom d’Association pour la sauvegarde et le développement de la palmeraie de Marrakech. La structure travaille en lien avec les autorités locales, et s’appuie sur le soutien de la Fondation Mohammed VI pour la protection de l’environnement, présidée par la princesse Lalla Hasna.

« Pas touche à mon palmier » pourrait être la devise de l’Observatoire. L’arrachage sans autorisation de ces joyaux vivants reste strictement interdit, sous peine d’une amende de 5 000 à 10 000 dirhams (460-920 euros). « Nous effectuons des relevés par GPS et, si nous constatons des extensions urbaines sauvages, nous en avertissons la wilaya, explique Mohamed Chaïbi, président de l’OPM et dirigeant de Ciments du Maroc (filiale d’Italcementi Group). Lorsqu’il y a une construction, nous faisons en sorte que l’architecte choisisse la zone où il y a le moins de palmiers à déplacer et que pour chaque palmier déplacé, il y en ait cinq de plantés, fournis par notre pépinière. »

Pas question d’importer des spécimens d’autres régions, susceptibles d’emmener avec eux le bayoud, une maladie provoquée par un champignon, « aujourd’hui éradiquée » de l’agglomération, selon Mohamed Chaïbi. Cependant, un nouvel insecte ravageur vient de se faire remarquer. Afin de l’identifier, l’OPM a appelé à la rescousse un entomologiste (spécialiste des insectes).

La saison s’annonce minée par le manque d’eau. Très attendu, le raccordement prochain au réseau de la station d’épuration de Marrakech serait à même de couvrir les besoins des palmiers, estimés entre 4 et 6 millions de mètres cubes par an. La station peut produire 33 millions de mètres cubes par an d’eaux usées traitées, mobilisables pour arroser les terrains de golf ou pour l’irrigation.

Un chantier à venir pour l’OPM réside dans le classement de 400 hectares, identifiés comme sites d’intérêt biologique et écologique. « Nous avons obtenu qu’il n’y ait pas de construction sans notre autorisation, indique l’expert Abdelilah Meddich. Des agriculteurs y vivent. Il faut les recenser, les dédommager éventuellement. » Une réflexion est en cours pour compenser ceux tentés de vendre leur lopin de terre, à un promoteur par exemple. La collectivité locale se porterait alors acquéreuse. De quoi sanctuariser un îlot de nature aux abords de la ville.

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