La menace jihadiste devient la priorité numéro un des monarchies du Golfe

La menace jihadiste en Irak et en Syrie et la détermination des Etats-Unis à l’affronter ont conduit les monarchies du Golfe à mettre en sourdine leurs querelles, conscientes que le soutien du Qatar aux Frères musulmans n’est plus une priorité, selon des analystes.

Face aux actions spectaculaires des jihadistes de l’Etat islamique qui ont proclamé un "califat" à cheval entre la Syrie et l’Irak, les riches monarchies pétrolières redoutent leur progression vers leurs territoires où une partie de l’opinion publique est perméable à leur idéologie radicale, ajoutent ces experts.

"Le plus grand danger est représenté désormais par les nouveaux groupes terroristes, et non plus par les Frères musulmans", confrérie pourtant classée organisation "terroriste" par l’Arabie saoudite notamment, a déclaré à l’AFP l’analyste saoudien Abdel Aziz Ben Sagr.

Le 5 mars, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et Bahreïn avaient rappelé leurs ambassadeurs à Doha –une démarche sans précédent–, accusant le Qatar de s’ingérer dans leurs affaires et de déstabiliser la région en soutenant les Frères musulmans.

Selon M. Ben Sagr, les Emirats étaient "les plus remontés" contre le Qatar parmi les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG).

Mais le ministre d’Etat émirati aux Affaires étrangères Anwar Gargash a affirmé dimanche sur Twitter que son pays "a intérêt à avoir un CCG fort (…), à l’abri des divergences régionales". "Notre place est d’être aux côtés de nos frères".

D’ailleurs, les ministres des Affaires étrangères du CCG (Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats, Koweït, Oman et Qatar) ont opté pour l’apaisement en annonçant samedi, à l’issue d’une réunion à Jeddah, un accord sur "les bases et les normes pour surmonter au plus tôt" le contentieux avec le Qatar.

Ce dénouement, dont les détails n’ont pas été révélés, est intervenu alors que le roi Abdallah d’Arabie saoudite tirait la sonnette d’alarme en avertissant l’Occident qu’il serait lui aussi rapidement la cible des jihadistes.

"Si on les (les jihadistes) néglige, je suis sûr qu’ils parviendront au bout d’un mois en Europe, et un mois plus tard en Amérique", a-t-il déclaré vendredi en recevant les lettres de créances de plusieurs ambassadeurs étrangers, dont celui des Etats-Unis.

L’Arabie saoudite, royaume majoritairement sunnite, est le berceau du wahhabisme, version rigoriste de l’islam. Quinze des 19 kamikazes du 11 Septembre venaient d’Arabie saoudite et, selon des experts, comme pour l’Afghanistan, Ryad redoute le retour sur son territoire de jihadistes engagés en Syrie et en Irak.

– "Ramifications confessionnelles" –

Pour l’analyste koweïtien Ayed al-Manae, le danger de la menace jihadiste est réel. "Notre hantise est plus forte que les querelles diplomatiques au moment où l’Etat islamique contrôle le tiers de l’Irak et de la Syrie".

"L’idéologie jihadiste n’existe pas seulement en Syrie et en Irak. Elle est présente dans nos contrées et n’attend que le moment opportun pour se manifester", a-t-il admis, en soulignant que l’EI a "des ramifications confessionnelles" dans les pays de la région.

D’ailleurs, "le différend politique (avec le Qatar) n’est plus une priorité (…). Nous vivons en danger depuis le nord-est de la Syrie jusqu’au nord-ouest de l’Irak. C’est une véritable sonnette d’alarme pour que les pays du CCG règlent leurs divergences".

Il a relevé un autre danger venant du nord du Yémen, non loin de la frontière saoudienne, où la rébellion chiite d’Ansaruallah mobilise ses miliciens, parfois armés, pour obtenir la démission du gouvernement "corrompu".

Signe de leur inquiétude croissante, l’Arabie saoudite et ses partenaires du CCG se sont déclarés samedi prêts à agir "contre les menaces terroristes", mais veulent "plus de détails" sur ce que Washington pourrait leur demander dans le cadre d’une "coalition" pour combattre les jihadistes en Syrie et en Irak.

Frederic Wehrey, spécialiste du Golfe basé aux Etats-Unis, juge cependant que ces monarchies "n’ont pas la capacité de mener des opérations militaires en dehors du Golfe", estimant que leur éventuelle implication dans une coalition n’irait "pas au delà de la légitimité symbolique d’une participation arabe".

Abdel Aziz Ben Sagr confirme cette analyse, précisant qu’une participation de l’Arabie saoudite, chef de file des monarchies du CCG, se limiterait au renseignement et "à la capacité du royaume à influencer l’opinion publique".

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