La marche à l’abîme du front Polisario

Dans son dernier rapport publié, intitulé « Le Front Polisario et le développement du terrorisme au Sahel), le centre européen pour le renseignement stratégique et la sécurité (ESISC, acronyme en anglais) s’attache à étudier, analyser et disséquer l’activisme de plus en violent de l’organisation, ce qui entraîne certains jeunes à se radicaliser et à rejoindre Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI).

La marche à l’abîme du front Polisario
Un échec complet sur toute la ligne. Tel pourrait être le résumé de la stratégie développée par le Polisario depuis sa création. Isolée, figée dans ses certitudes, enlisées dans un conflit qui a échoué, la direction du mouvement est devenue de plus en plus psychorigide, privilégiant la fuite en avant et l’intransigeance afin de masquer sa rigidité structurelle, son incapacité à négocier et son inadaptation au nouveau contexte géostratégique international.

Pur fruit de la guerre froide, l’organisation monolithique du Polisario, calquée sur les ex-organisations de type marxiste (organisation pyramidale avec un secrétaire général inamovible à sa tête, assisté par un exécutif de neuf membres appartenant à un bureau politique de 21 membres) souffre, entre autres, d’un discrédit, de dérives affairistes et mafieuses, d’une remise en question par la base, d’un écœurement des réfugiés pris en otages dans les camps de la wilaya de Tindouf qui se traduit par de nombreux départs…

Les auteurs du rapport mettent brillement en exergue l’évolution comparée du Front Polisario et du mouvement républicain irlandais (IRA), organisation nationaliste longtemps considérée comme la plus virulente et la plus dangereuse d’Europe. Bénéficiant d’un large soutien populaire, l’IRA a su faire preuve d’une véritable maturité politique et de suffisamment de clairvoyance pour comprendre l’échec d’une stratégie fondée sur la violence et son incapacité à emporter la décision. Ella a donc fait le choix d’intégrer le jeu politique irlandais à l’intérieur d’un territoire qui continuerait à être administré par la Couronne britannique. Confronté à une situation assez similaire, le Front Polisario refuse d’effectuer sa mutation et se crispe sur un rêve fantasmagorique d’indépendance, préférant sacrifier les sahraouis qu’il a entraîné dans son aventure.

Or, le 11 avril 2007, le Royaume du Maroc prenait l’initiative et proposait un plan d’autonomie pour la province du Sahara résolument novateur. Le Sahara serait doté de larges prérogatives et de responsabilités, prévoyant l’élection d’une administration locale avec notamment un Parlement, sous souveraineté marocaine.

Le Roi Mohammed VI a incorporé cette proposition en tant qu’élément d’une réorganisation importante du royaume, privilégiant des « régions » administratives plutôt que des provinces. Ainsi, il traite le Sahara comme un cas particulier, mais toujours dans le cadre de l’Etat marocain, réservant à Rabat les domaines de la Défense, de la politique extérieure, et de manière significative, préservant les prérogatives royales constitutionnelles et religieuses.

L’ONU, les Etats-Unis, l’Europe et de nombreux autres pays ont fait un excellent accueil à ce plan, le qualifiant de « sérieux et crédible », pressant les parties de reprendre les négociations et de conclure un accord définitif. Les discussions entre le Maroc et le Polisario sur ce plan, dites processus de Manhasset s’engageaient alors. Si elles se poursuivent à ce jour, elle restent cependant dans l’impasse, du fait d’un blocage du Polisario. Pourquoi ?

Les raisons qui motivent le refus de ce plan et la position « jusqu’au-boutiste » du Polisario sont de plusieurs natures. D’une part, comme le reconnaissent de nombreux experts, le Front Polisario est lui-même otage de l’Algérie, son pays « hôte ». Car la facture de l’accueil est lourde. Le Polisario est instrumentalisé par la politique algérienne, étant devenu une simple carte dans le jeu de l’Algérie afin de « tenter de déstabiliser le Maroc ».

Alger a toujours affirmé ses ambitions régionales et vise également une ouverture territoriale sur la façade atlantique. D’autre part, le Polisario est miné par des dérives intérieures et affairistes, qui bénéficient à l’étroit cercle de ses dirigeants. C’est ainsi que le mouvement a progressivement trempé dans divers trafics, comme celui des stupéfiants dans le nord de la Mauritanie (information validée par de nombreux médias mauritaniens), puis le trafic d’armes…

Démotivés, dégouttés, écœurés, de nombreux cadres, une grande partie des effectifs militaires, des notables, mais aussi beaucoup de jeunes ont préféré rompre définitivement et ont rejoint le Maroc ou se sont enfuis à l’étranger, le plus souvent en Mauritanie, mais aussi en Espagne ou au Royaume-Uni.

Mais peut-être la réaction la plus symptomatique est-elle à rechercher dans la fondation d’un mouvement sahraoui dissident, créé en juillet 2004, sous le nom symptomatique de « Khat Achahid » (la Voie du martyr), prônant la négociation pour résoudre le conflit et dénonçant le caractère antidémocratique du Polisario en ces termes : « L’actuelle direction du front Polisario est illégitime, puisque le 12ème congrès n’a pas été démocratique et légitime. Cette direction n’a aucune légitimité pour négocier ou parler au nom du peuple sahraoui avec le gouvernement marocain sur notre futur ».

En conclusion, le Polisario est aujourd’hui dans une impasse. Impasse inquiétante, puisqu’elle pousse à la diabolisation et encourage les jeunes exilés à embrasser des engagements politico-religieux extrémistes, facteurs de déstabilisation de l’ensemble de la région, pour une pseudo-cause indépendantiste avortée…

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