La fournée du père et la faute politique de la fille

Les éditorialistes français ne se sont pas trompés. C’est le tournant le plus aigu que le Front national est en train de vivre. Avec la sortie clairement antisémite de Jean Marie Le Pen et la réaction pour une fois critique de son héritière Marine, le FN se trouve pour la première fois à gérer ses contradictions en public. Entre une nouvelle direction qui fait de la recherche de respectabilité le but ultime de sa stratégie et une ancienne qui continue à remuer avec délectation le marigot peu ragoûtant de ses obsessions idéologiques, la messe est vraiment dite.

Par Mustapha Tossa

Même si à lire la déclaration de la fille qui désavoue la sortie du père, l’on se rend compte que la charge est moins dure que ne le laisse apparaître l’isolement médiatique de l’accusation "faute politique ». En effet, Marine Le Pen estime qu’il s’agit d’une faute politique le fait de ne pas avoir su anticiper l’interprétation qui serait faite de sa déclaration et non pas forcément le contenu antisémite de sa posture.

Après cette crise à la tête du Front national, aussi bien l’observateur averti que le consommateur ordinaire de la chose politique ont assisté à deux images qui en disent long sur les courants contradictoires qui traversent le parti de l’extrême droite. La première est celle de la nouvelle direction du Front, jeune au verbiage politique qui se veut rond, sans reliefs de haines ni excès identitaires et dont le discours se veut plus étincelant sur la dénonciation de la gestion « UMPS » que sur l’affirmation d’un héritage nauséabond. La prise de distance était poussive au point de mettre ce dérapage sur le compte des délires d’un homme dont l’âge avancé rend la perception politique moins pertinente.

La seconde image est celle de Jean Marie Le Pen lui-même. Loin de se terrer dans un silence coupable, le patriarche et président d’honneur du Front national persiste dans sa déclaration et contre-attaque comme au bon vieux temps de l’extrême droite conquérante qui avait fait du calembour raciste et antisémite sa marque de fabrique. Selon lui, c’est cette nouvelle direction du FN qui n’a rien compris au jeu politique. À force de vouloir ressembler aux autres, elle finira par faire perdre au parti son âme et ses fondations. D’ailleurs, Jean Marie Le Pen n’était pas à son premier esclandre. Sa sortie sur "Monseigneur ébola " qui regèlerait la question de l’immigration africaine en France la disputait dans l’horreur à "la fournée" promise au chanteur Patrick Bruel.

Cette friction publique entre père et fille a le mérite de dévoiler le vrai héritage du FN et ses vrais ressorts idéologiques. Xénophobe affirmé, antisémite revendiqué, raciste et fier de l’être, le FN a eu deux fois l’occasion de tromper ses électeurs. Les municipales et les européennes ont été gagné par ce que dans son grand talent de séductrice qui a su créer un nouveau look pour le FN, un nouveau discours dans les médias, Marine Le Pen à su vendre l’illusion du changement et de la respectabilité. Jean Marie Le Pen vient de donner un violent coup de pied dans ce bel échafaudage construit par des quadras qui maîtrisent les ressorts de la communication et de l’opportunisme politique.

La sortie de Jean Marie Le Pen a été lourdement exploitée par l’ensemble de la classe politique pour tenter de défaire moralement et symboliquement les performances du FN qui a su habilement tromper les Français. Le monstre est toujours là, tapi dans l’ombre et qui de tempes en temps, montre un bout de griffe ou un filet de bave. La dénonciation fut presque unanime. Et des voix se sont élevées pour demander à Marine Le Pen d’exclure le patriarche du Parti, de tuer le père en quelque sorte. Personne n’ose parier qu’elle le fera. Au pire, le FN de Marine Le Pen tentera de pousser les saletés sous la moquette en attendant une nouvelle déflagration.

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