La faute de Christiane Taubira

Entre une équipe de professionnels et une équipe d’amateurs, il est exceptionnel que la seconde l’emporte. La dure loi du sport vaut pour la politique. Le pouvoir exécutif le constate à ses dépens. Et la note est lourde.

Depuis une dizaine de jours, les professionnels de la droite étaient méchamment sur la défensive. Soupçons de favoritisme à l’encontre du président de l’UMP, Jean-François Copé, enregistrements sauvages de Patrick Buisson lorsqu’il était conseiller de l’Elysée, soupçons de trafic d’influence et de violation du secret de l’instruction pesant sur l’ancien président lui-même, placé sur écoute par la justice, ainsi que son avocat, par ricochet : le feuilleton était calamiteux.

La contre-attaque déclenchée par Me Herzog, l’avocat de M. Sarkozy, et relayée par les fidèles de l’ancien président, est dévastatrice. Le premier a réussi, en un tournemain, à mobiliser le ban et l’arrière-ban des avocats contre une mise sur écoute qu’ils jugent scandaleuse. Les seconds ont crié au complot et accusé le gouvernement de machination.

Résultat ? Désastreux. La ministre de la justice est disqualifiée. Le 10 mars encore, Christiane Taubira assurait qu’elle n’était pas au courant de cette procédure d’écoute de M. Sarkozy. Il s’avère qu’elle a menti. Le procureur général de Paris, François Falletti, vient de confirmer qu’il avait prévenu la chancellerie le 26 février, le jour même où les juges ont été saisis des présomptions à l’encontre de l’ancien président.

Il ne pouvait en être autrement. La garde des sceaux avait elle-même réclamé, par une circulaire du 31 janvier, d’être informée par les procureurs généraux, « régulièrement, de façon complète et en temps utile », de toutes les affaires sensibles. On peut faire crédit à la ministre de ne pas intervenir dans les affaires individuelles. Mais elle a évidemment été informée. L’image d’intégrité patiemment construite par Mme Taubira s’effondre donc.

Le premier ministre est entraîné dans cette chute. Jean-Marc Ayrault avait repris à son compte les arguments de sa ministre. Il a été contraint d’admettre, le 11 mars, qu’il était lui-même au courant. Et le reste de son plaidoyer – il ignorait le contenu desdites écoutes… – est inaudible. Quant au ministre de l’intérieur, Manuel Valls, il maintient avoir appris tout cela dans les journaux, et choisit donc le ridicule d’apparaître comme l’homme le moins bien informé de France ! Désormais, enfin, le chef de l’Etat lui-même est interpellé, inévitablement. Qui peut croire qu’il ne savait pas ?

L’« équipe Sarkozy » a donc réussi à inverser la charge des soupçons et à faire oublier, pour l’heure, ceux qui pesaient sur elle. Belle performance ! Mais aux conséquences accablantes. Bien des Français doutent, déjà, du sens de l’intérêt général des responsables politiques. Ces rebondissements ne peuvent que renforcer leur défiance et leur écœurement. D’une manière ou d’une autre, majorité et opposition en paieront le prix.

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