La classe politique française divisée sur la déchéance de la nationalité pour les terroristes

La décision du président français François Hollande de maintenir, dans son projet de révision constitutionnelle, la déchéance de nationalité pour terrorisme des binationaux nés français ne cesse de nourrir la polémique, en particulier au sein de son propre camp politique dont certaines figures décrient "une mesure de droite".

L’annonce du maintien de la déchéance de nationalité, faite par le Premier ministre Manuel Valls à l’issue du dernier conseil des ministres, a d’autant plus étonné les observateurs que la ministre de la Justice, Christiane Taubira, avait affirmé la veille que cette mesure ne sera pas retenue dans le projet de révision constitutionnelle, considérant par ailleurs qu’une telle décision remet en cause le droit du sol.

Un couac qui a donné du grain à moudre à la droite, dont les principaux responsables ont épinglé le "dysfonctionnement de l’action gouvernementale", se demandent comment Christiane Taubira peut rester au gouvernement après le désaveu qu’elle a subie, alors même qu’elle sera chargée de défendre, devant le parlement, cette réforme constitutionnelle qui introduit en outre l’état d’urgence dans la loi fondamentale.

Plusieurs figures de la droite se sont ainsi félicitées du maintien de cette mesure annoncée par Hollande devant le Parlement réuni en Congrès au lendemain des attentats du 13 novembre. "Il aurait été absolument désastreux qu’après un engagement aussi solennel (…) le président revienne sur sa parole", a ainsi estimé le député Les Républicains (LR, droite) Henri Guaino.

Cependant, la droite est elle aussi gênée par cette réforme, car elle se voit obligée de soutenir une mesure proposée par l’exécutif socialiste, au risque de renforcer la position de François Hollande à une période cruciale avant les présidentielles de 2017.

Mais les critiques les plus acerbes fusent au sein même de la gauche, notamment des figures du Parti socialiste (PS) et des Verts. Le quotidien "Libération" résume la situation en soulignant que la décision du chef de l’Etat "brosse l’opinion dans le sens du poil mais prend à contre-pied la plupart des leaders de gauche et même quelques rares voix de droite".

Cette mesure aura pour effet de graver dans le marbre une "hiérarchie tacite" entre les citoyens français nés en France et n’ayant pas d’autres nationalités et ceux qui sont binationaux, au détriment de ces derniers, affirme la publication.

Fait rare, même un ancien Premier ministre socialiste, en l’occurrence Jean Marc Ayrault, a pris position contre la réforme au nom du principe d’égalité de tous les citoyens, sans parler de la levée de boucliers de la maire de Paris, Anne Hidalgo, ou des socialistes "frontistes" en désaccord avec la politique du gouvernement.

En réaction, le Premier ministre a regretté qu’"une partie de la gauche s’égare au nom de grandes valeurs en oubliant le contexte, notre état de guerre, et le discours du président devant le Congrès".

Le projet de déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français et condamnés pour actes de terrorisme sera discuté à partir du 3 février à l’Assemblée nationale, lors des premiers débats parlementaires sur le projet de réforme constitutionnelle.

Pour être inscrite dans la Constitution, cette réforme doit être adoptée par les deux chambres séparément puis par une majorité des trois cinquièmes au parlement réuni en Congrès.

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