La Turquie déclare la guerre aux jihadistes, premier raid aérien en Syrie

La Turquie s’est résolument engagée dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI) en menant vendredi ses premières frappes aériennes contre les positions jihadistes en Syrie, alors que la police a mené un vaste coup de filet antiterroriste dans tout le pays.

Quatre jours après l’attentat suicide meurtrier attribué à l’EI qui a visé la ville frontalière de Suruç (sud), trois chasseurs F16 de l’armée de l’air turque ont bombardé vers 4h00 locales (1h00 GMT) plusieurs positions tenues par le mouvement radical sur le territoire syrien, face à la ville turque de Kilis (sud).

"L’opération menée contre l’EI a rempli son objectif et ne s’arrêtera pas", a affirmé devant la presse le Premier ministre Ahmet Davutoglu.

"Le moindre mouvement menaçant pour la Turquie entraînera la plus sévère des réactions", a insisté le chef du gouvernement islamo-conservateur, "nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour protéger nos frontières".

Comme l’a rappelé M. Davutoglu, ce raid aérien a été ordonné en représailles à l’attaque menée jeudi par un groupe de combattants jihadistes contre un poste avancé de l’armée turque près de Kilis. Un sous-officer turc a été tué et deux autres soldats blessés.

Des chars turcs avaient immédiatement riposté en ouvrant le feu contre des cibles de l’EI, tuant un de ses hommes et en endommageant trois de ses véhicules.

Un responsable turc a précisé que les frappes de vendredi avaient également un objectif "préventif". "Nous avons eu ces dernières semaines des informations montrant que l’EI amassaient des armes", a-t-il déclaré à l’AFP sous couvert de l’anonymat.

La situation était calme vendredi dans ce secteur, où d’importants effectifs militaires patrouillaient le long de la frontière, a constaté une journaliste de l’AFP. Seuls quelques tirs isolés étaient entendus côté syrien.

– Sécurité renforcée –

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"Cela faisait deux jours qu’on s’attendait à quelque chose ici. Il y avait beaucoup de tension", a déclaré un élu du petit village de Beylerbeyi, Ahmet Solak, 55 ans. "J’ai entendu les avions cette nuit mais il n’est pas question pour moi de fuir à cause des combats", a-t-il ajouté, "je soutiens l’armée turque donc je reste".

Depuis l’attentat de Suruç, le gouvernement islamo-conservateur d’Ankara, longtemps accusé de complaisance envers l’EI, a clairement intensifié sa lutte contre le groupe.

Un responsable militaire américain a révélé qu’Ankara avait enfin autorisé les Etats-Unis à utiliser plusieurs de ses bases aériennes, dont celle d’Incirlik (sud), pour mener des raids aériens contre des cibles jihadistes en Syrie ou en Irak.

Ce feu vert turc, longtemps sollicité par Washington, a été officialisé après un entretien téléphonique des présidents turc Recep Tayyip Erdogan et américain Barack Obama.

La Turquie était jusque-là restée l’arme au pied face à l’EI. Elle avait refusé d’intervenir militairement en soutien aux milices kurdes de Syrie, par crainte de voir se constituer une région autonome qui lui serait hostile dans le nord de ce pays.

Le gouvernement envisage par ailleurs de renforcer la surveillance de ses 900 km de frontières avec la Syrie, en construisant un mur ou en déployant des dirigeables, afin d’empêcher les mouvements des jihadistes. La Turquie constitue le principal point de passage de leurs recrues vers la Syrie.

Sur leur propre sol, les autorités turques ont lancé vendredi matin dans tout le pays un coup de filet sans précédent contre des membres présumés de l’EI.

– Le PKK visé –

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Ce raid a également visé des cibles des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui ont revendiqué le meurtre de deux policiers mercredi à Ceylanpinar, à la frontière syrienne, en riposte à l’attentat de Suruç.

Selon M. Davutoglu, un total de 297 personnes, toutes soupçonnées d’appartenir à un "groupe terroriste ", ont été arrêtées depuis le début de la journée dans seize provinces différentes du pays, dont 37 ressortissants étrangers.

Une militante d’extrême gauche a été tuée lors d’une fusillade avec la police dans un quartier d’Istanbul, a rapporté l’agence progouvernementale Anatolie. Elle faisait partie du Parti/Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C), un groupuscule marxiste auteur de nombreux attentats en Turquie.

L’attentat suicide de Suruç a suscité la colère de la communauté kurde de Turquie, qui reproche au gouvernement islamo-conservateur d’Ankara d’avoir fermé les yeux voire encouragé les activités de l’EI sur son sol.

Ankara a toujours catégoriquement réfuté les allégations de complaisance avec les groupes extrémistes qui combattent le régime de Damas, sa bête noire.

L’attaque du PKK a ravivé les risques de débordement en Turquie de la guerre qui oppose les milices kurdes aux jihadistes sur le sol syrien.

Une organisation proche des rebelles kurdes de Turquie a ainsi affirmé sur son site internet avoir tué mardi soir à Istanbul un commerçant présenté comme un membre du groupe EI.

De nombreux manifestants, notamment kurdes, défilent chaque jour dans les villes du pays pour dénoncer la politique syrienne de M. Erdogan. Le principal parti kurde de Turquie a appelé à un grand rassemblement dimanche après-midi à Istanbul.

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