La Russie coupe ses livraisons de gaz à l’Ukraine

La Russie a confirmé mercredi avoir coupé ses livraisons de gaz à l’Ukraine au lendemain de l’échec de leurs négociations, nouvelle étape dans la guerre énergétique que se livrent les deux pays au risque d’inquiéter l’Union européenne.

Cette décision acte l’échec de la réunion tripartite entre Russes, Ukrainiens et Européens qui s’est close mardi soir à Vienne sans accord entre Moscou et Kiev sur les prix du gaz russe.

La compagnie publique ukrainienne Naftogaz a annoncé dès l’abandon des négociations mardi qu’elle suspendait immédiatement tous ses achats de gaz à la Russie, son dernier accord avec le géant russe Gazprom expirant le jour même.

"A partir de 10 heures du matin le 1er juillet, les livraisons de gaz à l’Ukraine ont cessé", a confirmé mercredi Gazprom dans un communiqué, rappelant qu’elle ne fournirait Kiev que sur la base d’un paiement de ses livraisons à l’avance.

Ce désaccord ne devrait toutefois pas sérieusement affecter l’approvisionnement des pays européens, dont près de 15% de la consommation de gaz passe par le territoire ukrainien, Naftogaz ayant promis de continuer à assurer le transit vers l’UE.

"Les livraisons de gaz pour les besoins de l’Ukraine, c’est un des accords. Le transit du gaz vers l’Europe, c’en est un autre. La situation actuelle n’affectera aucunement le transit vers l’Europe", a confirmé à l’AFP un porte-parole de l’opérateur ukrainien Ukrtransgaz.

Des positions "très éloignées

Gazprom et Naftogaz sont engagés depuis plusieurs années dans un bras de fer énergétique sur le prix du gaz russe livré à l’Ukraine.

Mais leur différend s’est aggravé à l’arrivée d’un gouvernement pro-occidental à Kiev début 2014, qui a été suivie par de fortes tensions entre l’Ukraine et la Russie, accusée par Kiev de soutenir manu militari les séparatistes prorusses dans l’Est du pays.

Alors que Moscou avait accordé aux autorités prorusses déchues des réductions sur le prix du gaz, elle les a annulées auprès du nouveau gouvernement, engendrant de fait une forte augmentation des tarifs dont l’Ukraine a refusé de s’acquitter.

Lors des négociations à Vienne, la Russie a proposé de maintenir son tarif pour l’Ukraine à 247,18 dollars pour 1.000 m3 de gaz jusqu’à fin septembre, soit un rabais estimé à 40 dollars par rapport au prix que Moscou pouvait appliquer en fonction d’accords antérieurs.

Selon le ministre russe de l’Energie, Alexandre Novak, qui a déploré une décision "malheureuse" des autorités ukrainiennes, Kiev a refusé la proposition russe, exigeant un rabais de 86 dollars.

"Nous sommes surpris par les annonces de nos collègues ukrainiens, qui s’attendaient à un gros rabais", a déclaré M. Novak peu après la fin des pourparlers. "Ces décisions ne peuvent être, à mon sens, que politiques. Il n’y a aucune (motivation) économique derrière elles", a-t-il ajouté.

La Commission européenne, dont un représentant a participé aux négociations, a de son côté reconnu que les positions des deux pays restaient "encore très éloignées", promettant néanmoins qu’elle allait faire des propositions pour relancer les discussions.

Le spectre des "guerres du gaz"

Bruxelles souhaitait néanmoins que les négociations aboutissent à un accord "qui couvre au moins la période de l’hiver, jusqu’à fin mars", révèle une source européenne.

Un tel "paquet hiver" avait déjà été conclu en octobre 2014 via une médiation européenne, alors que, faute de paiement, Moscou venait de couper provisoirement la livraison de gaz à Kiev. Cet accord portant sur les années 2014 et 2015 avait été temporairement prorogé en mars, pour expirer le 30 juin.

Selon M. Novak, l’Ukraine ne dispose que de 12,5 milliards de m3 de réserves de gaz pour la saison automne-hiver, tandis que ses besoins en exigent 19 milliards.

"S’ils en reçoivent moins, alors j’estime qu’il y a certains risques" pour l’approvisionnement en gaz russe vers l’Europe, a-t-il expliqué. "Il y a des risques de prélèvement de gaz depuis les tuyaux de transit qui fournissent les clients européens", a-t-il prévenu.

Lors des précédentes "guerres du gaz" entre Moscou et Kiev en 2006 et 2009, la Russie avait accusé l’Ukraine de siphonner les gazoducs traversant son territoire au détriment des Européens.

L’Ukraine, qui reste massivement dépendante de son grand voisin pour son approvisionnement énergétique, compte pour sa part de plus en plus sur des livraisons de gaz fourni via l’Europe centrale et provenant notamment de Norvège.

Gazprom estime que ces livraisons sont souvent illégales parce qu’elles peuvent porter sur du gaz venant initialement de Russie, qui est ensuite revendu à l’Ukraine par d’autres pays européens.

"L’Ukraine va augmenter ses achats de gaz en Europe et devrait être relativement tranquille pour un moment. Mais lorsque viendra l’hiver, se passer du gaz russe sera très problématique", prédit l’expert ukrainien Vladimir Saprykine.

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