La France à l’attaque contre le dumping social en Europe

Une "trahison de l’esprit européen" qui favorise le moins-disant social et fait monter les populismes : Emmanuel Macron a lancé mercredi une attaque cinglante contre la directive européenne sur le travail détaché, au premier jour d’une tournée européenne pour un durcissement du texte.

"La directive européenne telle qu’elle fonctionne est une trahison de l’esprit européen dans ses fondamentaux", a déclaré le président français à Salzbourg (Autriche), aux côtés du chancelier autrichien Christian Kern.

La France et l’Autriche, un pays très inquiet de l’afflux de travailleurs détachés – 166.000 l’an dernier, sur un population active de quatre millions de personnes, majoritairement en provenance de l’Est -, ont affiché leur "parfait alignement" de vues dans ce dossier.

Paris et Vienne jugent tous deux que la directive favorise le dumping social au profit des pays d’Europe orientale aux charges salariales moins élevées.

"Le marché unique européen et la libre circulation des travailleurs n’ont pas pour but de favoriser les pays qui font la promotion du moindre droit social", a martelé M. Macron. "C’est ce qui dans nos pays nourrit le populisme et érode la confiance dans le projet européen".

Dans l’après-midi, MM. Macron et Kern ont aussi rencontré les Premiers ministres tchèque et slovaque, Bohuslav Sobotka et Robert Fico. Le chef de l’Etat français se rendra jeudi et vendredi en Roumanie et en Bulgarie.

Fort du soutien de l’Allemagne, il espère convaincre suffisamment de pays, notamment dans l’Est, pour obtenir la majorité sur la réforme au cours d’une réunion européenne en octobre.

Datant de 1996, la directive permet à une entreprise de l’UE d’envoyer à titre provisoire dans d’autres pays de l’Union ses salariés en continuant à payer les cotisations sociales dans le pays d’origine.

Destiné à faciliter des échanges entre Etats au niveau de vie comparable, le système a donné lieu à tous les abus et s’est transformé en outil de dumping social depuis que l’UE s’est étendue, à partir de 2004, à des pays d’Europe de l’est aux charges salariales bien plus basses, selon les partisans de la réforme.

La France veut limiter la durée de ces détachements à douze mois sur une période de deux ans, quand la Commission proposait en mai une limitation à deux ans. Elle veut aussi lutter contre les fraudes, comme les sociétés "boîte aux lettres" faussement domiciliées dans les pays de l’Est, en renforçant les contrôles.

Fin mai, à peine élu, Emmanuel Macron avait fait bloquer un vote à Bruxelles sur une réforme qu’il jugeait trop molle.

La France est pleinement soutenue par l’Autriche, qui avait plaidé pour une limitation à six mois et juge la réforme "urgente".

"Alors que nous avons créé des emplois", le chômage n’a pas reculé en proportion, "à cause des travailleurs étrangers", a fait valoir la chancellerie autrichienne. Les sociaux-démocrates de M. Kern sont au coude-à-coude dans les sondages avec l’extrême droite avant les législatives du 15 octobre.

La France espère maintenant obtenir le soutien de la République tchèque, de la Slovaquie, de la Roumanie et de la Bulgarie.

La Pologne et la Hongrie, grosses pourvoyeuses de travailleurs détachés, restent quant à elles farouchement hostiles à toute réforme. Mais celle-ci pourrait passer malgré ces pays, puisqu’elle ne requiert qu’une majorité qualifiée et non pas l’unanimité.

Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a salué mercredi les "efforts" d’Emmanuel Macron. "Nous voyons d’un oeil très favorable ces efforts pour rapprocher les positions et nous espérons qu’ils porteront leur fruit", a déclaré mercredi un porte-parole.

La France voudrait aussi que la réforme s’applique aux transporteurs routiers, ce qui a mis en colère les professionnels roumains et bulgares. Cette position suscite aussi des réticences en Espagne et au Portugal.

Pour obtenir un accord, Paris s’est dit prêt cette semaine à accepter que ce secteur fasse l’objet d’une négociation à part et repoussée à l’année prochaine.

AFP

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