LCI veut devenir gratuite, ses concurrents s’inquiètent

La chaîne d’information en continu de TF1 viendrait concurrencer iTélé et BFM TV sur la TNT.

LCI, la chaîne d’information en continu de TF1, veut passer en mode gratuit, au risque de bouleverser profondément ses concurrentes iTélé, solidement adossé au groupe Canal+, et le leader BFM TV, qui clame qu’il n’y pas de place pour trois chaînes du genre. Le dossier est déjà sur la table du CSA. "Il va être instruit selon les procédures habituelles", a dit le Conseil, qui prévient toutefois que le dossier "est compliqué" en raison d’une jurisprudence "assez restrictive".

Profitant de la généralisation de la TNT, les chaînes gratuites "tout info" sont de plus en plus regardées par les Français. BFM TV et iTélé ont vu leurs audiences, respectivement de 1,5% et 0,9% en juin, croître régulièrement ces dernières années. Elles ne voient donc pas d’un bon oeil l’arrivée d’un concurrent à la forte notoriété, qui viendrait capter, à leur détriment, une partie des dépenses en publicité des annonceurs. Les experts, eux, sont divisés sur la viabilité d’une troisième chaîne d’information en continu.

«De la place pour une chaîne supplémentaire»

Le contrat de diffusion exclusive de LCI par Canal+ sur le satellite et via internet (ADSL) qui liait TF1 à Canal+ depuis cinq ans expire au 1er janvier 2012 et la chaîne cryptée ne veut pas renouveler cet engagement, pour lequel elle débourse environ 15 millions d’euros par an. Cet apport ne suffit pas à financer le chaîne, qui est déficitaire à hauteur de 5 millions d’euros, malgré des recettes publicitaires de 8 à 10 millions par an.

TF1 est donc parti à la recherche d’un nouveau mode de diffusion pour LCI, qui emploie quelque 200 personnes, à moins qu’un accord suffisamment rémunérateur soit trouvé avec les fournisseurs d’accès à internet (FAI) pour qu’ils offrent la chaîne sur les télévisions reliées à leur box.Sur la TNT gratuite, "il y a de la place pour une chaîne d’info supplémentaire sans que ça déséquilibre le marché", a martelé mardi le PDG de TF1, Nonce Paolini, selon lequel le gratuit est "aujourd’hui -et d’ailleurs Canal et BFM le disent- une évidence".

Le PDG de BFM TV (NextRadioTV), Alain Weill, selon lequel ce projet met "en danger" sa chaîne, s’insurge, jugeant "impossible" que TF1 obtienne l’agrément du CSA. Selon lui, la seule solution serait que LCI "rende la fréquence et qu’un nouvel appel à candidature soit lancé". "Il n’y a pas de de justification économique car cela irait affaiblir les deux autres chaînes", a-t-il ajouté, estimant que TF1 pourrait obtenir gain de cause uniquement grâce à "une volonté politique forte", son propriétaire Martin Bouygues étant un intime de Nicolas Sarkozy.

De son côté, le groupe Canal+ n’a pas souhaité faire de commentaire.

«Boîte de Pandore»

Trois chaînes d’info, "ce n’est pas inédit, cela existe dans d’autres pays européens comme l’Allemagne, l’Espagne et le Royaume-Uni", estime Philippe Bailly, de NPA Conseil. D’autres, comme l’analyste Jean-Baptiste Sergeant de la société de Bourse Gilbert Dupont, voient au contraire "un grand danger" pour BFM TV et iTélé. "Cela ouvrirait une boîte de Pandore": forts de ce précédent, "les autres groupes seraient également en droit de demander le basculement de l’une de leurs chaînes vers le gratuit. Cela me semble extrêmement difficile" que le CSA prenne ce risque, estime-t-il.

Les budgets des chaînes info, entre 30 et 40 millions d’euros par an, sont insignifiants par rapport aux milliards d’euros de chiffre d’affaires des grandes chaînes généralistes. Ce qui ne les empêche pas d’être à couteaux tirés: en devenant gratuit, LCI espère engranger 20 millions d’euros de recettes publicitaires supplémentaires. Or, l’an dernier, BFM, qui vient d’atteindre l’équilibre, n’avait réalisé que 34 millions d’euros de chiffre d’affaires.

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