L’opération séduction du Maroc en faveur de ses artistes

La première édition de Visa for Music, qui s’est tenue à Rabat, a rassemblé quelque 1 000 professionnels du monde entier

est minuit. L’effervescence est à son comble dans la salle de cinéma Renaissance, samedi 15 novembre, à Rabat, où se termine la 1re édition de Visa for Music. Marché professionnel de la musique voué à l’Afrique et au Moyen-Orient, l’événement s’est décliné en débats, films et concerts, entre les 12 et 15 novembre.

Avec son rock énervé (on les a surnommés parfois les Ramones marocains), métissé de rythmes gnaoua, le groupe casablancais Hoba Hoba Spirit a drainé vers la salle une jeunesse délurée et joyeuse. Depuis la sortie de son premier album, en 2003, il reste l’un des leaders de la scène des musiques actuelles au Maroc.

Outre son public, Hoba Hoba Spirit a l’opportunité de jouer ce soir devant des producteurs, directeurs de festival, de labels…, venus d’Espagne, d’Estonie, du Danemark, du Sénégal, de Norvège et de Corée du Sud, du Mexique… " Environ 1 000 professionnels de la musique sont ici ", dit Brahim El-Mazned, fondateur de Visa for Music, et directeur de Timitar, à Agadir, l’un des festivals de musiques en vue du Maroc, pays leader en la matière sur le continent (entre 150 et 200 " festivals musicaux professionnels ", d’après le ministre de la culture, Mohamed Amine Sbihi).

Champion du lobbying confraternel, M. El-Mazned sillonne la planète et les festivals accueillant les musiques du monde. Nouveau marché de la musique créé sur le continent africain après le lancement, en 2012, d’Atlantic Music Expo Cabo Verde (AME Cabo Verde), à Praia, capitale de l’archipel du Cap-Vert, Visa for Music peut se positionner comme un contrepoids à l’hégémonie des pays du Nord, dans le domaine de l’organisation de tournées d’artistes du Sud ou de définition de critères esthétiques " vendeurs ", suggère Brahim El-Mazned.

Impliqué dans la promotion à l’international des festivals marocains, à travers le collectif Maroc Festivals, José Kamal insiste sur l’importance de Visa for Music pour les musiciens du pays. " Nos artistes ont parfois du mal à aller au-devant des acheteurs, faute de moyens ou de visas. Alors, on fait venir ceux-ci chez nous. " Seconde cible : les décideurs marocains. " Il faut les sensibiliser aux métiers connexes à la création, leur rappeler que la musique est une industrie qui fait tourner de l’argent. "

" Rencontrer d’autres ailleurs "
Sponsors et politiques ont été sollicités. L’opération de sensibilisation n’a pas porté suffisamment ses fruits. Aucun des trois opérateurs téléphoniques n’a réagi, par exemple. Du côté du ministère de la culture, en revanche, l’enjeu semble avoir été compris. " Nous avons accordé 2 millions de dirhams – 181 000 euros – . C’est un événement nécessaire pour faire connaître la production marocaine, une structure de mise en relation qui manquait, déclare au Monde Mohamed Amine Sbihi. Visa for Music participe à la valorisation de la création et du patrimoine musical du Maroc, à sa diplomatie culturelle. "

" J’y vois une possibilité ouverte pour les musiciens vivant ici d’aller rencontrer d’autres ailleurs. Il faut voyager. Cela enrichit notre histoire, celle qu’on raconte dans nos chansons ", commente, après son concert à Rabat, Aziz Sahmaoui, chanteur solaire, installé en France depuis 1984. Il est venu présenter son deuxième album (paru chez Harmonia Mundi), une fusion entre transe gnaoui, groove, douceur, jazz et rock. Il l’a appelé Mazal, qui signifie " continuer ", " persister ". Les organisateurs de Visa for Music pourront en faire leur devise.

Patrick Labesse

Aziz Sahmaoui. En concert à Paris, le 22 novembre, (avec NinoJosele) à l’Institut du monde arabe (IMA) et, le 5 décembre, au Café de la danse. Le 20 décembre à L’Affranchi, à Marseille.

Hoba Hoba Spirit. Le 24 janvier 2015, à l’IMA.

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