L’ex-ministre français du Budget Jérôme Cahuzac jugé pour fraude fiscale

Un mensonge retentissant et un compte caché à l’étranger: trois ans après avoir ébranlé le jeune quinquennat Hollande, l’ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac répond lundi après-midi à ses juges. L’ancien champion de l’orthodoxie budgétaire, 63 ans, doit comparaître, jusqu’au 18 février, devant le tribunal correctionnel de Paris pour fraude fiscale et blanchiment, ainsi que pour avoir "minoré" sa déclaration de patrimoine en entrant au gouvernement en 2012.

Étoile montante et orateur brillant, ce fils de résistants qui devait incarner le "redressement" budgétaire a finalement été le premier accroc à la "République exemplaire" promise par François Hollande. Acculé à la démission en mars 2013, il a renoncé à tous ses mandats, quitté la politique et risque maintenant une peine allant jusqu’à sept ans de prison et deux millions d’euros d’amende.

A ses côtés, son épouse – dont il est séparé – Patricia Ménard et leurs conseillers: le banquier François Reyl et l’avocat Philippe Houman. La très discrète banque genevoise Reyl comparaît aussi, comme personne morale.

Une inconnue pèse toutefois sur ce procès: la défense entend poser des "questions prioritaires de constitutionnalité", contestant le cumul de sanctions pénales et fiscales. Si le tribunal les accepte, le procès sera reporté de plusieurs mois, comme c’est arrivé récemment au marchand d’art Guy Wildenstein, également jugé pour fraude fiscale et blanchiment. Séisme politique, le premier d’un quinquennat qui se voulait de la "normalité", l’affaire Cahuzac avait conduit à la création d’un parquet national financier et l’adoption d’une loi sur la transparence de la vie publique.

"Fraude sophistiquée et familiale"

L’affaire débute en décembre 2012, quand le site d’information Mediapart révèle que Jérôme Cahuzac a possédé un compte caché, d’abord en Suisse puis à Singapour, comme le confirmera l’enquête judiciaire ouverte en janvier 2013. L’ex-président de la commission des Finances de l’Assemblée, qui se présente alors comme le chevalier blanc de la lutte contre l’évasion fiscale, commence par tout nier. "Les yeux dans les yeux" des médias, des députés, du président. Mais les preuves s’accumulent et il passe finalement aux aveux. L’instruction démonte ensuite les mécanismes d’une fraude fiscale décrite comme "obstinée", "sophistiquée" et "familiale".

À l’origine de l’entreprise, Jérôme Cahuzac, chirurgien de formation, et sa femme, dermatologue, qui ont tenu une florissante clinique spécialisée dans les implants capillaires. Le récit des manoeuvres en cause, tel qu’il est fait par les enquêteurs, oscille entre roman de gare et manuel de délinquance financière internationale. Il fallait placer l’argent qui coulait à flot, de la clinique mais également des activités de conseil de Jérôme Cahuzac auprès de laboratoires pharmaceutiques.

Est relaté comment Jérôme Cahuzac, sous le nom de code "Birdie", se fait livrer 10.000 euros, en espèces, dans la rue, à Paris. Sont décrites les routes toujours plus sinueuses de la fraude fiscale. Un premier compte ouvert par un "ami" en 1992 à UBS, puis un autre au nom de Cahuzac lui-même l’année suivante. En 1998, tous les avoirs sont transférés chez Reyl.

Lorsque le sacro-saint secret bancaire suisse commence à se fissurer en 2009, les quelque 600.000 euros qu’y détient Jérôme Cahuzac prennent la route de Singapour, en faisant un détour par une société enregistrée aux Seychelles et mise en place par un intermédiaire à Dubaï. Les époux Cahuzac ouvrent aussi ensemble un compte à la Al Bank of Scotland sur l’île de Man en 1997 pour déposer des chèques de leurs patients anglais.

Patricia Cahuzac ouvre en 2007 son propre compte en Suisse, sur fond de brouille avec son époux. Même les comptes de la mère de l’ex-ministre, qui n’est pas elle-même mise en cause, servent à "blanchir", entre 2003 et 2010, quelque 200.000 euros de chèques établis par des clients de la clinique.

Il s’agissait d’une "gestion familiale", dira aux enquêteurs Patricia Cahuzac. L’argent a servi à payer des vacances somptuaires ou des appartements aux enfants à Londres. Depuis, elle a revendu les appartements et s’est acquittée d’un redressement de plus de deux millions. L’ex-ministre a rapatrié ses avoirs. Reste la sentence judiciaire.

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