L’épopée des Touaregs en Afrique au musée des Confluences à Lyon

Depuis le milieu du 19ème siècle, explorateurs, militaires et artistes ont participé à construire une image fantasmée et positive de ce peuple connu dans le monde entier. Le musée des Confluences à Lyon leur consacre une exposition unique du 18 octobre au 4 novembre 2017.

Ghizlaine Badri (reportage à Lyon)

Présentés par la puissance coloniale comme de vertueux guerriers, les Touaregs sont le plus souvent comparés aux nobles chevaliers du Moyen-Âge occidental, même si, lors d’épisodes sanglants de résistance, ils sont parfois dépeints comme des féroces, dont la soumission n’en est que plus valorisante. Seigneurs du désert, nobles guerriers mystérieux, nomades épris de liberté: les stéréotypes liés à la société touarègue sont ancrés dans
l’ imaginaire collectif et occidental« Les Touaregs sont berbères.

"Au Maroc, il y a eu des mouvements d’Afrique subsaharienne vers le Nord, en passant par le Mali et l’Algérie voisine. Ils se sont installés pour certains d’entre eux aujourd’hui dans le Sahara ou on retrouve un art de vivre très nomade", a précisé Claire Cécile David, commissaire de l’Exposition.

"L’étude de l’histoire des Touaregs est passionnante. La culture touarègue perdure : elle sait intégrer la modernité tout en respectant son identité, ses valeurs et son style", a-t-elle ajouté.

Concernant les arts, les forgerons touaregs utilisent essentiellement de l’argent pour la fabrication des bijoux. Métal précieux mais peu ostentatoire, il correspond au goût de la population pour sa sobriété. De même, les objets usuels, comme les écuelles sont décorés de motifs géométriques. Cette sobriété s’exprime également avec le port du voile masculin, le tagelmust, qui couvrant le nez et la bouche, permet de dissimuler les émotions. La façon de le draper est considérée comme un art et indique la position sociale. Traditionnellement porté par les nobles, ce symbole de réserve, de politesse et de respect a peu à peu été adopté par toute la société.

Les artisans s’inspirent des créations et des techniques employées dans les régions voisines et développent leur savoir-faire pour créer de nouvelles formes métissées. De même, ils n’hésitent pas à innover dans le choix des matériaux, en substituant plastique, caoutchouc, pièces de récupération au cuir, pierres et fils de soie habituellement utilisés

La place des hommes et des femmes dans la société

Les femmes et les hommes occupent des rôles distincts au sein de la société, opposés mais complémentaires. Les parures valorisent ces rôles sociaux et témoignent des activités de chacun. Les femmes représentent la stabilité et la protection. Leur place est centrale. Elles sont les piliers de la société et possèdent les biens matériels ainsi que la tente. Ce rôle est notamment illustré par les clés de voile: les femmes avaient en effet l’habitude d’accrocher à leur voile les clés des cadenas fermant les sacs de la tente. Ces clés ont peu à peu perdu leur fonction utilitaire pour devenir de véritables bijoux, attachés à un coin de voile et jetés dans le dos pour le maintenir en place.

Les femmes sont également détentrices du savoir culturel, notamment à travers la maîtrise de l’écriture. Elles travaillent aussi le cuir et pratiquent la musique. Le domaine des hommes est celui du voyage, plus incertain et inquiétant, au cours duquel ils pratiquent la poésie dans la solitude. Les objets qu’ils utilisent font référence aux activités qui les valorisent socialement: l’art de la guerre, le commerce, le voyage. L’épée, takuba, une arme prestigieuse portée lors des grandes occasions. Elle est censée représenter la noblesse et le courage. Certaines possèdent des motifs particuliers sur la lame, qui indiquent leur qualité et leur origine. Les hommes portent également des bijoux d’apparat telle la tshérot de tête.

En poésie— Les Touaregs manifestent également leur pudeur et leur réserve dans leur manière de s’exprimer, en pratiquant le tangält, art de l’évitement des mots et des sentiments crus. Ils parlent avec mesure, par des allusions, métaphores ou poèmes, posant ainsi un voile sur la parole.

"… Lève-toi, mon aimé, n’aie pas la cruauté de me forcer ainsi à te prendre en pitié ; Je t’aime moi aussi, je t’aime plus encore que tu ne peux m’aimer, et mon âme est brûlante ; Mais il y a une barrière entre nous deux Et tu dois renoncer à vouloir la franchir. – Qu’ai-je donc fait, mon âme ? – Oh ! tu ne m’as rien fait, Mais sens à demi-mot ce que je ne pourrais à mots plus découverts te dire sans rougir." Kourman agg-Elselisu,extrait de poésies et chants Touaregs de l’Ayr Moussa Albaka et Dominique Casajus AWAL / L’Harmattan, 1992.

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