L’Arctique, terre de promesses énergétiques difficiles à tenir

Bien que sa banquise fonde comme peau de chagrin, l’Arctique, souvent présenté comme une terre promise pour les compagnies pétrolières, voit son attrait pâlir au fil de découvertes d’hydrocarbures beaucoup moins coûteux à exploiter ailleurs dans le monde.

L’engouement pour la région avait bondi quand, en 2008, l’Institut de géophysique américain (USGS) avait estimé qu’elle pourrait abriter 22% des réserves restant à découvrir sur la planète.

Mais l’enthousiasme est quelque peu retombé depuis.

Dans une récente enquête au titre éloquent –"L’Arctique, pas une mine d’or pour l’industrie pétro-gazière"–, deux chercheurs norvégiens estiment que la proportion des hydrocarbures produits dans la région ne devrait pas augmenter dans les décennies à venir. Au contraire.

Selon eux, la part du pétrole de l’Arctique devrait rester stable, entre 8 et 10% de la production globale, d’ici à 2050 et celle du gaz naturel tomber de 22% aujourd’hui à environ 10%.

En cause: la découverte dans des lieux plus hospitaliers de nouvelles ressources, notamment d’hydrocarbures non-conventionnels comme le gaz de schiste à l’origine d’une révolution énergétique qui devrait permettre par exemple aux Etats-Unis de quasiment subvenir à leurs propres besoins.

"A un moment, l’Arctique c’était le Graal (…) Aujourd’hui, on n’est plus dans cette situation puisqu’il y a beaucoup d’autres endroits dans le monde où il y a du potentiel", explique Patrice de Viviès, directeur de l’exploration en Europe du Nord du groupe français Total.

"Pourquoi aller chercher des choses dans des conditions difficiles en termes d’environnement alors qu’on peut avoir accès à des zones beaucoup plus faciles à travailler?", dit-il.

Dans le Grand Nord, la plupart des gisements sont offshore, loin des terres et de leurs infrastructures, dans des conditions extrêmes avec la nuit polaire et les glaces dérivantes qui limitent et renchérissent les forages.

Total y avance avec prudence, s’en tenant pour l’heure à l’onshore ou à des eaux libres de glace, comme la mer de Barents chauffée par le Gulf Stream.

Après quelques découvertes très prometteuses et fort d’un partenariat avec le russe Rosneft, le norvégien Statoil semble, lui, miser beaucoup plus sur la région, s’aventurant même dans les zones dites intermédiaires, où des glaces dérivent par moments.

"L’Arctique ouvert, c’était un grand défi il y a 20 ans mais c’est relativement facile d’y aller aujourd’hui", affirme Runi Hansen, directeur de la division Arctique du groupe.

"Je suis convaincu que la même chose se produira dans l’Arctique intermédiaire à l’avenir", précise-t-il.

Plusieurs compagnies s’y sont pourtant déjà cassé les dents.

Malgré les centaines de millions d’euros dépensés, le britannique Cairn Energy a jusqu’à présent fait chou blanc à l’ouest du Groenland et l’anglo-néerlandais Shell, en raison notamment des contraintes environnementales, a dû sans cesse repousser ses très coûteuses campagnes de forage au nord de l’Alaska.

Projet emblématique, dans les eaux russes de la mer de Barents, l’énorme gisement gazier Chtokman n’a pas encore fait l’objet d’une décision de mise en exploitation près de 25 ans après sa découverte, toujours à cause des coûts.

Inquiets des conséquences d’une fuite dans un écosystème extrêmement fragile, les défenseurs de l’environnement, eux, ne désarment pas, à l’instar de Greenpeace qui a multiplié les actions contre les forages ces derniers mois.

"L’Arctique est tellement vulnérable que les plateformes pétrolières n’y ont pas leur place", estime Truls Gulowsen, un responsable de l’organisation écologiste.

"Et il y a l’argument climatique: quand on a trouvé cinq fois plus de carburants fossiles que ce qu’on peut brûler pour rester à deux degrés (la limite de réchauffement que la communauté internationale s’est fixée, ndlr), c’est difficile de défendre de nouvelles prospections", dit-il.

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