L’Amérique reconnaît la présence de Daesh en Libye

Longtemps relativement silencieux sur la Libye, les Américains sont récemment sortis de leur réserve. David Rodriguez, le patron de l’Africom, commandement de l’armée américaine en Afrique, a reconnu l’existence d’un camps d’entraînement pour les combattants de Daesh à l’est de la Lybie. Ce qui a étonné les observateurs, c’est le tonalité de cet aveu avec une volonté manifeste de minimiser la gravité de la situation en Lybie. Situation qui ne nécessite pas selon la vision actuelle américaine un traitement militaire.

par Mustapha Tossa

L’approche américaine tranche littéralement avec les grandes craintes européennes et maghrébines à l’égard de la Libye. Là où les capitales de la région voient dans la Libye un énorme supermarché à ciel ouvert pour trafic d’armes et un camps d’entraînement pour apprentis terroristes, David Rodriguez n’y voit quant à lui qu’un petit rassemblement de militants locaux qui ont fait allégeance à Daesh. Là où l’Europe voit dans la dislocation du pouvoir en Libye la cassure de la dernière digue qui la protégeait de l’immigration sahélienne, là où le Maghreb voit dans l’actuelle situation une source explosive de menaces terroristes, l’administration américaine n’y voit qu’un regroupement de 200 personnes, avec une écrasante majorité du cru libyen. Les mots du responsable américain sont parlants. Il a qualifié le phénomène de "très petit et naissant".

Derrière cette attitude américaine très en retrait par rapport à un pays où ils ont pourtant perdu un de leur fleuron diplomatique en la personne de l’ambassadeur Chris Stevens tué à Benghazi, se cache sans doute une volonté de ne pas dramatiser la situation libyenne. Une des raisons apparentes à cette position provient du fait que s’ils reconnaissent que la Libye connaît un processus de radicalisation à la Daesh, ils se trouveraient dans l’obligation d’intervenir militairement pour donner de la cohérence à leur doctrine militaire à l’égard de l’Etat Islamique en Syrie et en Irak. Car comment expliquer à l’opinion cette démarche sélective de vouloir centrer une attention particulière sur la Syrie et l’Irak et laisser fleurir le même groupe avec la même idéologie et la même agenda sur d’autres territoires ?

Par ailleurs, l’administration Obama aurait pu persévérer dans son silence malgré les nombreuses interpellations que subit John Kerry lors de ses rencontres européennes. En effet, il est de notoriété publique qu’à chaque fois que le patron de diplomatie américaine s’isolait avec un responsable européen, ce dernier lui fait part des grandes angoisses du vieux continent face à ce qui se passe en Libye.

D’ailleurs à ce sujet, la situation libyenne était tellement préoccupante que la presse ne cesse de bruire, de temps en temps, des rumeurs les plus folles. Comme celles qui laissent entendre que des pays comme l’Algérie ou l’Egypte envisageraient des possibles interventions militaires en Libye, ou que l’aviation des Émirats arabes unies aurait participé à des frappes aériennes contre des islamistes libyens pour soutenir le général Khalifa Haftar dans sa volonté de reprendre en main le terrain libyen.

Sur un autre plan, la sortie de David Rodriguez a été aussi perçue comme une manière de tenter d’influencer, même timidement, le grand jeu politique qui se prépare pour les Libyens issu la réunion à Khartoum à laquelle ont participé les pays voisins de la Libye. Le message serait le suivant : un compromis politique pour pacifier le pays ou une intervention militaire… Les Nations Unies préparent activement une réunion sur le dialogue politique en Libye. Les ministres de affaires étrangères de l’UE avaient joint leurs voix à celle de John Kerry pour exprimer "leur graves préoccupation alors que la situation empire (et que ce dialogue ) représente le chemin le plus sûr pour que La Libye puisse dessiner son propre futur".

Malgré cette différence d’appréciation et d’analyse entre Européens et Américains sur la gravité de la situation sécuritaire en Libye, ce pays constitue une source d’angoisse importante pour ses voisins. Et la grande interrogation qui s’impose à ses pays est la suivante : Que faire dans le cas où le dialogue politique proposé par les Nations unies aux différentes partie libyennes et parrainé par les pays voisins échoue à former cet état central fort capable d’unifier le pays et d’éviter sa division et susceptible d’éradiquer la floraison des groupes terroristes ?

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