L’Algérie peine à intégrer les migrants d’Afrique subsaharienne

Amaigri, Hassen mendie dans les rues d’Alger pour nourrir sa femme et son bébé. Comme ce Nigérien, des milliers de migrants d’Afrique subsaharienne s’établissent en Algérie faute de pouvoir gagner l’Europe mais la société peine à leur faire une place.
En Algérie, il est quasiment impossible d’obtenir le statut de réfugié. Les candidats à l’asile sont souvent « traités comme des migrants en situation irrégulière », a souligné en mai le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à la Santé, Dainius Puras.

Longtemps, l’Algérie fut une terre d’émigration, des millions de ses citoyens s’exilant en France. Mais elle est devenue ces dernières années un pays de destination pour de nombreux Africains de l’Ouest.

Nigériens, Maliens, Camerounais, Nigérians, nombreux sont ceux qui, chaque jour, bravent les affres du Sahara pour trouver refuge dans le plus grand pays d’Afrique. Aucun chiffre officiel n’existe concernant leur nombre mais les ONG évoquent 100.000.

La traversée vers l’Europe s’avérant de plus en plus difficile, ces migrants préfèrent s’établir en Algérie, un pays relativement stable et riche par rapport à leurs contrées d’origine, même si la vie y est compliquée pour eux.

"Je n’ai pas trouvé de travail", explique à l’AFP Hassen, un trentenaire arrivé il y a six mois avec sa femme Mariam et leur garçon en bas âge dans l’espoir d’une vie meilleure.

"Il n’y a rien pour nous là-bas mis à part la faim et l’insécurité, alors on fait tout pour éviter d’être embarqué par la police" algérienne, confie cet homme qui, comme nombre de ses compatriotes, ne veut pas donner son nom complet de peur d’être rapatrié.

Selon la presse, plus de 12.000 Nigériens en situation irrégulière en Algérie ont été reconduits vers leur pays depuis fin 2014 en vertu d’un accord entre Alger et Niamey. Le Croissant rouge algérien n’a pas souhaité communiquer à l’AFP les chiffres dont il dispose ni préciser le nombre de migrants en attente d’être rapatriés.

En Algérie, il est quasiment impossible d’obtenir le statut de réfugié. Les candidats à l’asile sont souvent "traités comme des migrants en situation irrégulière", a souligné en mai le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à la Santé, Dainius Puras.

– ‘société xénophobe’ –

La présence de plus en plus visible de ces migrants suscite des réactions xénophobes chez certains.

Le 24 mars, la ville de Béchar, située à 1.000 kilomètres au sud-ouest d’Alger, a été le théâtre de violences opposant des habitants et des migrants. Plusieurs blessés ont été enregistrés dans les deux camps.

"Nous avons fui Boko Haram, nous voulions de la tranquillité mais à Béchar, on nous a lapidés et personne n’a rien fait pour nous", a raconté à l’AFP Ismael, la gorge nouée.

La Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (Laddh) a dénoncé des "violences, assimilables à une expédition punitive d’une autre époque".

"La société algérienne étant en pleine phase de recomposition, ces tensions entre la population locale et les populations étrangères sont normales", estime le sociologue Saïb Musette. Mais, poursuit-il, "les autorités doivent assurer la protection de tout étranger sur leur sol".

La société algérienne est "xénophobe", juge pour sa part le sociologue Ali Bensaad, chercheur à l’Université d’Aix-Marseille (sud de la France). "Elle était dans une position confortable victimaire. Le racisme venait d’ailleurs", poursuit-il en référence au rejet dont furent victimes les Algériens en Europe.

Mais aujourd’hui, l’augmentation du nombre de migrants en Algérie "montre que dans notre subconscient, il y a cette xénophobie", affirme-t-il.

– lueur d’espoir –

Mais des voix commencent à réclamer l’intégration des immigrés, à l’instar des entrepreneurs d’Ouargla, une ville du sud qui souffre d’un manque de main d’oeuvre, notamment dans le secteur du bâtiment.

Beaucoup de jeunes Algériens n’acceptent pas d’effectuer certains travaux et, petit à petit, ces migrants d’Afrique subsaharienne les remplacent, explique Ali Bensaad.

Employés comme artisans, boulangers, ouvriers dans l’agriculture ou le bâtiment, même de manière informelle, ces immigrés finiront par être acceptés et intégrés par la société, estime Josiane, une migrante camerounaise, arrivée il y a six ans et qui travaille dans le milieu associatif.

"Si l’Algérie veut être bien avec les pays d’où ces gens viennent, elle doit bien traiter" les migrants, souligne-t-il.

Le secrétaire général de la Laddh, Abdelmoumene Khelil, n’est pas aussi optimiste. L’intégration doit être portée par la société civile ainsi que par la classe politique mais, souligne-t-il, "malheureusement nous en sommes loin".

(Avec AFP)

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