Joyeux Ramadan

– Par Narjis Rerhaye –

Cette année, tu as choisi de zapper volontairement le premier jour du ramadan. Tu t’es mis aux abonnés absents. Tu as superbement ignoré tous les signes extérieurs du premier jour du jeûne. Respect. Tu as résisté à la djellaba du premier jour que Madame ta mère à fait coudre à Fès. Tu t’es levé tôt. Tu t’es brossé les dents et tu as même mis du parfum.

Sur ton I Pod, tu as écouté en boucle Aretha Franklin en lieu et place des psalmodies d’Abderrahmane Soudaiss et dont la voix de velours transporte toutes les amies de ta mère. Tous les ramadans, elles font une poussée religieuse comme on fait une poussée de fièvre. Le carré Hermès jeté nonchalamment sur des cheveux au brushing flou –payé une fortune chez JLD- et des babouches Chanel aux pieds, les copines de ta mère font toutes leurs B.A avec l’arrivée du Ramadan. C’est un peu le prolongement de leur cure detox. Prières, aumône, t’barguigue, prières, aumône, re-tbarguigue. Même en ce mois sacré, Rabat est un village où tout se sait, se commente, s’analyse.

Les amies de ta chère mère tiennent la chronique des mariages, divorces et décès comme personne. Et leurs chroniques sont souvent alimentées de scoops aussi croustillants que la chebbakia du f’tour.

En ce deuxième jour du ramadan, tu es en mode réflexion profonde sur whatsapp. Ta cousine, la communicante de Casa, s’est découvert une âme de Robin des bois depuis qu’elle est tombée sur la « Une » de cet hebdo casablancais sur Zefzafi. Elle part en vrille et argumente sa conversation de smiley rouges pour exprimer, zaama, sa colère. « Une jeunesse délaissée, une région marginalisée, une quête de dignité, un Makhzen sourd et aveugle » etc, : les éléments de langage de ta cousine qui n’a jamais mis les pieds dans le Rif te font sourire. Tu l’imagines allongée sur son transat, face à la piscine de la villa parentale perchée sur la colline d’Anfa, avec le Rif comme kif. C’est le deuxième jour du Ramadan. Tu n’as pas fumé ni pris ton café. Tu es un peu groggy mais tu as toute ta tête.

Tu avais soutenu le mouvement du 20 février, défilé à Rabat au grand dam de ta mère qui n’en revenait pas que tu marches avec ces mi-gauchos-mi adlistes. Mais pas question de ne pas condamner un gars qui se la joue Baghdadi à la mosquée.

Whatsapp est magique et permet de régler ses comptes à distance. Alors tu en profites : « cousine, tu fais ta révolution par procuration. On t’a ramené ta part d’Al Hoceima jusqu’à la villa paternelle ? hhhhhh ». Ta communicante de cousine, révolutionnaire d’un jour et fétarde toute la nuit, réagit vivement : elle te bloque sur whatsapp jusqu’aux tarawih

Avec le recul, tu admets que le « hhhhhhh » était de trop.

 

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