Joyeux Ramadan J-17: « ton père n’est pas dans son bol de harira »

– Par Narjis Rerhaye –

Au f’tour de dimanche, ton père n’est pas comme d’habitude. Il ne grince pas des dents en regardant les sitcoms qui zaama accompagnent la rupture du jeûne. Il ne dit pas un mot de Dounia Boutazout, l’actrice qui tous les Ramadans a le don d’ubiquité, passant en même temps sur toutes les chaînes, avec les mêmes mimiques et presque les mêmes répliques. Même la caméra cachée sous forme de coup de poing, cris et crises de nerfs ne l’a pas fait réagir. Non, ton père va mal. C’est sûr. Son air dubitatif ne l’a pas quitté même à l’heure du journal télévisé d’Al Oula. Ce qui témoigne que ton père n’est pas dans son bol de harira . Ta mère met ça sur le compte d’un coup de soleil chopé à la manifestation d’Al Adl Wa Al Ihssane organisée en solidarité avec le Hirak du Rif. Il y a croisé ta tante bent l’ONEP, venue expliquera-t-elle plus tard, pour voir si les adlistes sont aussi disciplinés qu’on le dit. « Depuis qu’il est rentré de cette manifestation, il est dans cet état. Plongé dans une profonde léthargie. Un coup de chaud », affirme ta mère.

Ta communicante de cousine qui croit toujours bien faire tente de le faire sortir de son silence. Elle a ses techniques de relance, apprises lors de ses formations en com’ qui ont coûté une petite fortune à ses parents mais ce qui permet à ta tante de la ramener en lâchant dans les salons r’batis que sa fille est dans la com’ à Casa. Elle le dit sur un tel ton que tu as l’impression que ta cousine est astronaute à la NASA et qu’elle vient de faire le tour de la lune. « Ils étaient combien à la marche contre la hogra dimanche à Rabat ? 15 000, 100 000 ou 1 million ? », demande-t-elle à ton père, espérant provoquer au moins le froncement d’un sourcil ou le battement d’un cil. Ton père ne réagit pas. Il est toujours plongé dans ses pensées. Ta cousine fait un gros clin d’œil à ta mère, genre « ton- mari- fait- de- la- résistance- mais- j’en- fais- mon- affaire ». La communicante de la famille sort sa tablette et brandit un tableau Excel qui a fait fureur sur les réseaux sociaux depuis dimanche pour montrer qu’elle a une technique scientifique pour calculer le nombre de marcheurs qui ont battu le pavé dans la capitale.

Ton père lève les yeux au ciel. Ce n’est pas un tableau excel qui va le faire vaciller. Ta mère soupire. Ta tante bent l’ONEP veut faire diversion. Elle n’a jamais supporté le silence. « Quelqu’un a vu cette nouvelle télévision, Télé Maroc, et cette émission où l’animatrice insulte les invités. Non mais, allô quoi. C’est encore plus trash que la télé-réalité », lance-t-elle, pas mécontente du tout de dire trash en lieu et place de poubelle.

Au moment où tout le monde avait perdu tout espoir de le voir parler, ton père sort enfin de son silence-léthargie. « Où allons-nous ? ». Sa question est à la fois vague et profonde. Presque une question culte. Parle-t-il du Hirak, de la marche de Rabat, des slogans d’Al Adl wal ihssane, de la télévision qui insulte grave ses invités, de la tombe profanée d’Abderrahim Bouabid son immortel leader ou de la composition du nouveau bureau politique de l’USFP ? Va savoir…

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