Islam : de l’importance de la sensibilité féminine

À la tête de la Conférence des oulémas au Maroc, Ahmed Abbadi plaide pour une lecture intelligente des textes religieux, « pour le bonheur des humains ».

C’est lors d’un entretien avec la presse dans le cadre du premier forum des femmes journalistes d’Afrique tenu à Marrakech le 8 mars dernier qu’Ahmed Abbadi s’est exprimé sur la question des droits des femmes. Dans le cadre de cette manifestation baptisée « Les Panafricaines », Ahmed Abbadi a comparé la démarche des femmes dans la conquête de leurs droits à une quête. Comme toutes les quêtes, cette démarche rencontre des obstacles dont il faut être conscient, a-t-il indiqué, cité par l’Agence panafricaine de presse.

Des obstacles, oui, mais il faut les lever

Aux yeux d’Ahmed Abbadi, le premier réside dans « l’antagonisme que d’aucuns s’attellent à faire jaillir entre texte et contexte ». Et de s’interroger en posant l’équation, d’un côté, d’un texte émancipateur et libérateur » et, de l’autre, d’un texte qui « ligote » de manière excessive les droits de la femme ». Pour cette haute personnalité religieuse, « tout dépend de l’approche ». Et d’ajouter : « L’approche ne doit pas être littérale et reprendre simplement ce qui a été dit sans le rapprocher des sources. » Pour lui, il est essentiel de comprendre qu’il y a une ingénierie liée aux textes.

Selon Ahmed Abbadi, « l’ingénierie démontre sans faille que le dogme de ce socle est de garantir le bonheur. Non seulement l’ingénierie du texte religieux musulman, mais également de tous les textes religieux, est qu’il y a une finalité des finalités qui est de garantir le bonheur aux humains. »

Les textes ont une finalité multiple qu’il faut identifier

Dans cette dynamique, le secrétaire général de la Rabita Mohammedia des oulémas dénombre quatre grandes finalités : « l’unicité de l’existence, la connectivité, la purification intentionnelle et factuelle, enfin, la capacité de peupler sainement cette planète qui n’est rien d’autre que notre mère terre ». Une mère qui, selon lui, « peut vivre sans nous », alors que « nous ne pouvons vivre sans elle ». Et de relever sous cette dernière finalité six valeurs fondamentales cristallisées dans un chapelet de préservation : celles de la vie, de la religiosité, de la dignité, de la descendance, de la raison et de la propriété.

Quid de la charia ?

Puisqu’au cœur de nombreux discours, il est question de la charia, Ahmed Abbadi a jugé utile de préciser que « seuls 250 versets du Coran font allusion à la charia, ce qui, en termes de pourcentage, ne fait que 4 % ». Et de poursuivre : « Les 96 % des versets coraniques sont porteurs de beauté, de valeur de la conception, de ce que doit être une société, de ce que doit être un être humain, sans distinction d’homme ou de femme. » « Le fait de nous avoir enclavés dans ces 4 % nous a fait oublier les 96 % qui sont de toute beauté et de tout amour », a-t-il indiqué.

Le besoin de sensibilité féminine

Au regard de ses initiatives (formation des imams d’Afrique subsaharienne, par exemple) et de son rapport au texte religieux à travers une approche fondée sur la jonction entre texte et contexte, le Maroc permet « de générer une flexibilité fonctionnelle ou une fonctionnalité flexible », a-t-il poursuivi. Et Ahmed Abbadi de comparer l’approche marocaine à celle d’un architecte qui raisonne de manière flexible et prend en compte toutes les fonctions « dans le but d’éviter les crises ». « On a besoin de cet arôme, de cette sensibilité féminine, dans la compréhension des textes, on a besoin que cela émerge de nouveau », a-t-il insisté, rappelant qu’une étude récente a démontré qu’il y plus de 45 000 savantes de l’islam qui ont contribué à l’histoire et à la connaissance de l’islam.

Réveiller tous les éléments de la mémoire collective

Selon Ahmed Abbadi, « la réalité s’est enfouie dans la mémoire collective parce qu’on a pensé que la religiosité et l’adaptation du texte n’étaient qu’au masculin ». « On a vraiment besoin de la sensibilité féminine parce que la capacité de voir sous d’autres angles doit être complétée par cette jonction des forces entre hommes et femmes pour comprendre les textes », a-t-il poursuivi. Et de se féliciter de la création au sein de la Rabita Oulema d’un centre d’études féminines avec des chercheuses, et des chercheurs, qui s’attachent à produire au quotidien des ouvrages faisant écho aux innovations observées dans le champ religieux. Et de conclure : « Il est grand temps qu’on comprenne que la société est composée d’hommes et de femmes. Celles-ci sont nos épouses, nos sœurs, nos filles, nos mères et grands-mères. »

Par Malick Diawara
Le Point

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