Intégration des immigrés: le gouvernement démine, au risque de décevoir

Opération déminage assumée: le gouvernement a présenté mardi sa "feuille de route" pour l’intégration des immigrés et la lutte contre les discriminations, qui ne comprend aucune "annonce spectaculaire", ni moyen supplémentaire, dans l’espoir d’éviter toute controverse.

Une quinzaine de ministres ont adopté 28 mesures qui seront "consensuelles, je l’espère", a déclaré le chef du gouvernement, Jean-Marc Ayrault, à l’issue d’une réunion à Matignon. "La politique n’est pas l’art de mettre sous le tapis les problèmes", a-t-il ajouté, tout en plaidant pour une approche "apaisée, sereine".

Exit donc les questions de mémoire, de religion, ou d’ouverture de la fonction publique: "On s’est concentré sur les questions d’égalité", dit son entourage.

Alors que les Suisses viennent de voter pour rétablir des "quotas d’immigrés" et que 66% des Français jugent qu’il y a trop d’immigrés dans le pays, le climat n’est pas favorable à des avancées majeures.

A quelques semaines des élections municipales, le sujet prête encore plus à la surenchère. En décembre, la classe politique s’est ainsi enflammée après la publication sur le site du Premier ministre de rapports d’experts, qui préconisaient notamment d’abolir la loi sur le voile à l’école.

Dans ce contexte, la principale annonce de la nouvelle "feuille de route" porte sur la création d’un "délégué interministériel à l’égalité républicaine et à l’intégration", rattaché au Premier ministre, qui sera nommé d’ici deux à trois semaines.

Il s’agit d’une structure "légère" qui n’empiètera pas sur les compétences des différents ministres et aura pour seule mission de "coordonner" leurs actions.

Certains au sein du gouvernement, dont le ministre délégué à la Ville François Lamy, plaidaient pour une structure dotée de réels moyens. "Si la structure avait pris trop de place, les ministres risquaient de se défausser", a justifié Matignon.

"Piteux renoncement"

Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, reste donc compétent pour l’intégration des "primo-arrivants", présents depuis moins de cinq ans en France. Il compte mettre l’accent sur l’acquisition du français, en exigeant un meilleur niveau. La délivrance des titres de séjour sera conditionnée aux progrès accomplis, a-t-il précisé sans donner de détails.

Le dispositif devrait figurer dans le prochain projet de loi immigration, attendu d’ici à la fin de l’année.

Quant à la lutte contre les discriminations, le gouvernement prévoit surtout de renforcer la formation des agents publics (enseignants, conseillers d’orientation, agents de Pôle emploi, inspecteurs du travail).

Il a également demandé aux partenaires sociaux de discuter des CV anonymes et des recours collectifs en cas de discriminations, lors de la prochaine conférence sociale avant l’été.

Les autres propositions avaient déjà été annoncées: lutte contre le décrochage scolaire, aide pour les migrants âgés qui font des aller-retour dans leur pays d’origine, poursuite de la rénovation des foyers de travailleurs migrants, etc.

Dans les derniers jours, le gouvernement a décidé de retirer les propositions qui portaient sur la reconnaissance de l’apport des étrangers à la construction de la France (mise en valeur d’"oubliés de l’histoire", développement des cours d’arabe et de mandarin dans les établissements scolaires, etc.).

"On ne voulait pas partir sur le terrain de l’histoire officielle ou sur celui des mémoires concurrentes", des matières éminemment sensibles, a expliqué l’entourage du Premier ministre.

"L’agitation que l’opposition -et notamment l’UMP- a provoquée quand elle a dénoncé les rapports proposés il y a quelques semaines a porté ses fruits", a immédiatement commenté le député UMP Thierry Mariani. "Finalement, le pire a été évité."

Cette prudence pourrait également rassurer certains députés socialistes qui s’inquiétaient lundi de l’ouverture d’un nouveau front sur un sujet de société, après le retrait de la loi famille.

Mais elle risque de décevoir les personnes concernées – 5,3 millions d’immigrés et 6,7 millions de Français d’origine étrangère. France Terre d’Asile (FTA) a regretté "une vague feuille de route cosmétique" quand Patrick Lozès, ancien président du Conseil représentatif des associations noires (Cran), a évoqué un "piteux renoncement".

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite