Hollande sur l’esclavage: « L’histoire ne peut pas faire l’objet d’une transaction »
François Hollande a souligné vendredi « l’impossible réparation » des ravages de l’esclavage, « outrage fait par la France à la France », à l’occasion de la journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions. Cette question a été ravivée par le Conseil représentatif des associations noires (Cran), une association qui poursuit la Caisse des dépôts en justice pour avoir, selon elle, tiré profit de l’esclavage en recueillant notamment la « rançon » imposée à Haïti pour son indépendance. Evoquant « l’impossible réparation » de la traite négrière, François Hollande a cité le poète antillais Aimé Césaire, dont on célèbre cette année le centième anniversaire de la naissance. « ‘Il y aurait une note à payer et ensuite ce serait fini ?Non, ce ne sera jamais réglé' », a dit le président français, en écho à cette figure de la vie martiniquaise, célébrée au Panthéon, non loin des jardins du Luxembourg où se tenait la cérémonie.
Le chef de l’Etat s’exprimait en présence de la ministre de la Justice, Christiane Taubira, qui est à l’origine de la loi de 2001 reconnaissant l’esclavage comme un crime contre l’humanité.
Le CRAN attaque la CDC
Le Conseil représentatif des associations noires (Cran), créé en 2005 pour "lutter contre les discriminations que subissent les populations noires en France", va assigner en justice la Caisse des dépôts (CDC), une institution publique financière née sous Napoléon.
"La CDC est complice d’un crime contre l’humanité", a déclaré Louis-Georges Tin, le président du Cran, qui assigne la CDC et deux de ses filiales devant le tribunal de Paris parce que la banque a encaissé les sommes versées par Haïti en contrepartie de son indépendance.
"Nous assignons en justice la Caisse des dépôts et consignations, la banque d’Etat qui a joué un rô le considérable dans l’esclavage", a-t-il insisté lors d’un point presse devant le palais de justice, précisant que l’assignation serait remise lundi à la banque.
Haïti a acquis son indépendance en 1804 contre les troupes de Napoléon Bonaparte, mais la France a alors exigé un tribut financier pour indemniser ses colons. Haïti a payé de 1825 à 1946 "des sommes équivalentes à 21 milliards de dollars", selon M. Tin. C’est la CDC qui a encaissé cet argent, a-t-il souligné.
Selon lui, "cette rançon a précipité Haïti dans une spirale infernale d’instabilité et de misère". Après la colonisation, Haïti a été frappé d"une double peine".
La CDC s’est également "enrichie grâce à l’exploitation colonialiste", selon Me Norbert Tricaud, avocat du Cran, puisqu’elle a géré les comptes de plusieurs banques coloniales.
Plus généralement, l’assignation contre la CDC s’insère dans une campagne du Cran pour obtenir des réparations de l’esclavage. "Si on fait cette assignation, c’est pour alimenter le débat", a dit Me Tricaud.