Hollande, Obama…Seuls dans la guerre

Le diagnostic fait par les experts de la sécurité et le politique sur Daech est implacable. Il s’agit de la plus grande menace terroriste qui ait jamais menacé la stabilité du monde ces dernières décennies. Une organisation terroriste qui a réussi par les armes à s’emparer d’un territoire géographiquement identifié, le gère au nom d’une sanguinaire conception de la religion, menace ouvertement de s’étendre à d’autres pays pour les déstabiliser et les conquérir, exerce une irrésistible attraction sur certains catégories de jeunes en Europe et dans le monde arabe et projette de les renvoyer dans leurs pays d’origine pour y commettre des attentats terroristes.

Mustapha Tossa

C’est sur la base de ce diagnostic cauchemardesque que la communauté internationale s’est promis de l’éradiquer. Des déclarations d’une grande virilité ont été entendues à Jeddah, à Paris et à Washington. Et une solide conviction s’est installée. A partir du moment où l’opinion avait assisté à ce flot de dénonciations indignées et de postures enflammées , la disparition de Daech n’était qu’une question de temps. Aucune organisation terroriste, si puissante soit-elle, ne peut résister au rouleau, en principe, compresseur, de la détermination de la communauté internationale.

Et pourtant rien n’a l’air de se passer comme la logique politique et militaire pourrait le laisser croire. Alors que la France vient d’entrer officiellement en guerre contre Daech en débutant ses frappes aériennes contre ses positions en Irak, un grand malaise plane sur cette action militaire. La raison : Après un sommet en grandes pompes à Paris et une coalition militaire internationale claironnée à l’américaine par John Kerry, seules Paris et Washington semblent militairement impliquées dans la guerre contre cette organisation terroriste.

Cette situation renseigne sur deux points essentiels. Le premier est que le couple franco-américain officiellement enthousiaste pour éradiquer Daech a échoué à convaincre ses alliés stratégiques les plus intimes à participer à cette opération militaire. D’ou les grandes réserves exprimées par la Turquie, d’où la distance politique prise par les pays du Golfe qui annoncent leurs intentions de participer et d’investir plus dans l’humanitaire que dans le militaire.

Le second point, conséquence du premier, oblige Barack Obama et François Hollande à n’envisager que des frappes aériennes pour traiter Daech et à exclure le redéploiement de troupes au sol. Cette stratégie, même si elle peut montrer de temps à temps une efficacité à stopper les avancées de Daech, ne parviendra pas à l’éradiquer totalement et maintiendrait la région sous une pression terroriste permanente. D’ailleurs, dans ce genre d’affrontement, le temps devient un des paramètres de la victoire ou de la défaite.

Une des explications les plus logiques à cette impasse est l’impuissance ou le manque de volonté américaine pour parvenir à un grand accord entre l’Iran et les pays du Golfe à majorité sunnites autour de cette guerre conte Daech. Là où les Iraniens piaffent d’impatience de participer à cette grande chasse aux terroristes de Daech, l’Arabie Saoudite et les pays de sa sphère d’influence traînent les pieds de crainte de voir encore une fois l’axe chiites récolter tous les bénéfices de cette guerre américaine contre le terrorisme.

Au cœur de ce bras de fer, le régime de Bachar El Assad. Les Iraniens veulent transformer cette guerre contre Daech en bouée de sauvetage pour sa survie. Ce que refusent les pays du Golfe. D’où ce refus, ou plutôt cette hésitation de la coalition à frapper les positions de Daech en Syrie. Le secret d’une telle hésitation de ces pays du Golfe est que leur rejet du régime de Damas est plus acrimonieux que leur peur de Daech et leur refus du compagnonnage iranien est plus aiguë que leur volonté d’en finir physiquement avec cette organisation terroriste.

Il est aisé d’imaginer dans le meilleur des scénarios que dans une grande distribution de rôle et de missions, il a été demandé à certains pays arabes de s’investir davantage dans le renseignement militaire de terrain plutôt que dans les opérations de guerre. Cette distribution de rôle peut se décrire de la façon suivante: aux Américains et aux Français le bombardement aérien, à l’armée irakienne et aux Peshmergas kurdes les combats au sol pour défaire physiquement les djihadistes de Daech, certains pays arabes le soin d’apporter du renseignement militairement exploitable à travers des opérations d’infiltration sur le terrain et au sein des groupes de Daech, d’abord pour géo-localiser leurs positions les plus sensibles et tenter d’avorter leurs desseins terroristes les plus meurtriers.

Il est vrai que, par mesure de précaution politique, Barack Obama et François Hollande, les deux porte-drapeaux de la guerre contre Daech ont tenu à informer leurs opinions que cette guerre ne se gagne pas en une opération éclair. C’est le genre d’engagement militaire qui consomme du temps et des ressources. A chaud, cette posture peut passer inaperçue et ne susciter aucune réserve. Mais à terme, et surtout si la stratégie militaire suivie, à savoir se contenter pour le moment de frappes aériennes sur le Daech irakien et d’armer les kurdes, ne porte pas ses fruits et ne débarrasse pas la région et le monde de cette menace terroriste, l’effet boomerang risque d’être violent. Les opinions dans ces deux pays peuvent-elles supporter la facture d’une longue guerre si des résultats concrets ne sont pas visibles au bout de cette séquence guerrière ? La grande angoisse de Barack Obama et de François Hollande est d’être obligé de déployer des forces au sol… Ce qui changera totalement la physionomie de cette guerre…

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