Grand remue-ménage en vue au Quai d’Orsay

Le départ de Bernard Kouchner est évoqué lors du prochain remaniement gouvernemental.

Partira ? Partira pas ? L’onde de choc provoquée par la démission d’Alain Joyandet du secrétariat d’État à la Coopération menace d’atteindre Bernard Kouchner. Récurrentes ces derniers mois, les rumeurs de départ du patron du Quai d’Orsay ont repris avec l’annonce d’un prochain remaniement, alors même que la diplomatie française est à la veille d’un grand jeu de chaises musicales. Dans la foulée, nourri par un climat d’incertitude, le débat sur la «crise» du Quai refait surface. «L’instrument est sur le point d’être cassé, cela se voit dans le monde entier» et «tous nos partenaires s’en rendent comptent», écrivent dans une tribune au Monde deux anciens ministres des Affaires étrangères, Alain Juppé et Hubert Védrine.

Bernard Kouchner voit théoriquement son périmètre élargi en héritant des missions d’Alain Joyandet, la coopération et la francophonie. La transition est «sans problème», affirme-t-on officiellement au Quai, où l’on souligne que «ce n’est pas parce qu’un joueur quitte le terrain que la partie s’arrête». Les directions du ministère, où l’on se redistribuait mardi, non sans mal, les dossiers gérés jusqu’alors par Alain Joyandet, sont censées assurer le relais. À cette fin, trois membres du cabinet du secrétaire d’État rejoindront celui de Bernard Kouchner. Le service des Affaires francophones prépare sans désemparer le Sommet de la francophonie, prévu à Montreux à la rentrée.

En revanche, pour la grande majorité des observateurs, l’ex-french doctor n’est pas en capacité d’hériter du «ministère de l’Afrique», piloté depuis l’Élysée par Claude Guéant. Un pilotage d’autant plus serré que le bras armé de la coopération, l’Agence française de développement, est dirigé depuis peu par un parfait connaisseur des «réseaux africains», Dov Zérah.

Mardi, avant de se rendre à l’Assemblée pour la séance des questions au gouvernement, le chef de la diplomatie a eu le déplaisir de lire les propos de Jean-Christophe Rufin qualifiant le Quai d’Orsay de «ministère sinistré», qui «ne pèse plus rien dans les affaires africaines». Le dialogue aigre-doux entre les deux «amis» se poursuit désormais par micros interposés. «J’espère – on n’est jamais trahi que par les siens – que cet homme ne s’étouffera pas de haine», a ainsi rétorqué mardi le bouillant ministre en intervenant devant les députés. L’académicien, qui vient de quitter son poste d’ambassadeur au Sénégal, souhaiterait se consacrer à plein temps à l’écriture et envisagerait de reprendre du service au sein d’une organisation humanitaire. À moins que, comme certains diplomates lui en prêtent l’ambition, il ne veuille succéder à… Alain Joyandet.

Chaises musicales
Bernard Kouchner, pour sa part, persiste à affirmer à ses proches collaborateurs qu’il effectuera son bail de cinq ans jusqu’au bout. En proie à la logique du «avec moi ou contre moi», il s’emporte contre les fâcheux qui prédisent sa chute. Le ministre, qui reste malgré tout l’une des personnalités les plus populaires du gouvernement (et, à 70 ans, son doyen), affecte toujours de croire à sa bonne étoile. Mais le nom d’éventuels successeurs, de Jack Lang à Alain Juppé, continue d’alimenter les gazettes et d’animer les dîners en ville. Plus substantiellement, l’irritation de l’Élysée à son égard, notamment celle Jean-David Levitte, ne se dément pas.

Le conseiller diplomatique de la présidence, qui souhaiterait changer d’air, apparaît également dans les spéculations du grand mercato diplomatique qui s’annonce. Certains diplomates le verraient rejoindre le poste prestigieux de secrétaire général du ministère, à la place de Pierre Sellal. Celui-ci remplacerait à Washington Pierre Vimont, dont la nomination à l’un des postes de direction du service diplomatique européen est considérée comme acquise, même si l’architecture de ce nouvel outil fait toujours l’objet de laborieuses tractations à Bruxelles.

L’approche du remaniement relance aussi les spéculations sur les conséquences qu’aurait sur le Quai d’Orsay la formation du «gouvernement resserré» souhaité par Nicolas Sarkozy. En clair, la vacance accidentelle et a priori temporaire du secrétariat d’État à la Coopération pourrait-elle se muer en suppression pure et simple ? L’hypothèse, guère nouvelle, fait l’objet d’une réflexion à l’Élysée. Certains, tel Hubert Védrine, estiment toutefois qu’un tel secrétariat d’État «a un sens». L’agenda déjà surchargé du ministre, les nécessaires contacts politiques d’homme à homme, en Afrique comme ailleurs, le justifient. Le nom de Thierry Mariani, député du Vaucluse et sarkozyste fidèle, circule pour reprendre le flambeau.

Alain Barluet (Le Figaro)

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