Gilles Kepel: « les attentats du 13 novembre sont une catastrophe politique pour Daesh »

Alors que la nébuleuse des participants aux attentats de Paris se dévoile petit à petit, les sociologues tentent de découvrir ce qui provoque la radicalisation de certains jeunes et leur décision de provoquer de telles atrocités.

Des jeunes en rupture culturelle

Gilles Kepel, sociologue spécialiste du monde musulman, et auteur de "Terreur dans l’Hexagone", pointe du doigt une rupture de certaines personnes avec le reste de la société. Certains adoptent ainsi "une conception du religieux qui s’inscrit dans une logique qu’on appelle salafiste, explique le politologue. C’est-à-dire qu’au départ on n’est pas nécessairement violent, mais on fait une sorte de rupture culturelle avec l’environnement."

"Dans un certain nombre de cas, ces salafistes sont bien considérés, y compris par les autorités municipales, parce qu’ils sont contre la drogue, contre la violence, poursuit le chercheur. Et donc on leur délègue un certain nombre de fonctions pour gérer la paix sociale. Mais lorsqu’un imam radical arrive, ou que l’un d’entre eux bascule parce qu’il a lu des choses sur internet, cette rupture qui a été faite va permettre le basculement dans la violence."

Le parcours de Charaffe al-Mouadan, le Français tué en Syrie, ne l’étonne pas non plus. "Il ressemble au parcours de tant de jeunes issus du 9-3, en l’occurrence, ou d’autres départements français, qui à un moment ou à un autre basculent dans cette logique de radicalisation, à travers des réseaux d’amitié."

Un processus qu’a également observé François-Bernard Huygue, directeur de recherche à l’Iris. "Ça fonctionne surtout sur le schéma de la bande de copains, explique-t-il sur BFMTV. Ce sont des gens qui se sont connu, par exemple parce qu’ils étaient du même quartier." "Ce sont des phénomènes collectifs, des groupes qui s’exaltent et se cherchent une cause à laquelle se dévouer", poursuit François-Bernard Huygue.

Le 13 novembre, un "pas de trop" pour Daesh

Pourtant, ce schéma pourrait ne pas se renouveler après les attentats du 13 novembre. Alors qu’en janvier, les terroristes avaient ciblé certaines catégories de la population, des journalistes, des policiers ou encore des personnes de confession juive, en novembre, tout le monde était touché. Une erreur, selon Gilles Kepel. Car si en janvier "il y avait des gens qui disaient "Je ne suis pas Charlie", là, personne ne va dire qu’il est d’accord avec la tuerie du Bataclan, observe le politologue. Y compris parmi des gens qui se réclament de Daesh, qui considèrent que ça a nuit à leur cause."

"On le voit aussi dans les vidéos qui ont été faites par Daesh après, qui disent "Frères de France, qu’est-ce que vous faites? Pourquoi vous ne suivez pas l’exemple qui vous a été donné ?" Le 13 novembre a été le "pas de trop" politique. Il a été exécuté par des gens pas très malins, qui se sont aliéné la frange de sympathisants qu’il voulaient mobiliser", analyse le chercheur.

Gilles Kepel a analysé les vidéos de propagande de Daesh, qui depuis le 13 novembre "essaient désespérément de rassembler d’avantage de soutiens." Pour lui, le groupe terroriste se trouve en position de faiblesse, qui pourrait s’aggraver en cas de prolongation de la coalition internationale qui lutte contre lui.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite