François Hollande en Tunisie, une visite compliquée et délicate

Alors qu’en Egypte, la destitution du président islamiste Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, a été officialisée mercredi soir par l’armée, François Hollande s’est envolé ce jeudi pour une visite compliquée et délicate en Tunisie, autre pays dominé par les Frères musulmans, où l’incertitude politique freine les investissements et pèse sur la croissance.

François Hollande en Tunisie, une visite compliquée et délicate
Le chef de l’Etat français arrive dans un pays qui aura les yeux rivés sur l’Egypte, puisque le printemps arabe vit de nouvelles convulsions en Egypte, où l’armée a délogé les islamistes au pouvoir. L’opposition tunisienne a lancé sa propre version du mouvement égyptien Tamarod et espère tirer parti des évènements du Caire pour mettre en difficulté le gouvernement tunisien, emmené lui aussi par des mouvements islamistes arrivés aux affaires après la "révolution de Jasmin", premier acte du "printemps arabe", en 2011. Comme en Egypte, l’opposition reproche à ses dirigeants de vouloir instaurer un régime théocratique liberticide et d’aggraver la crise économique.

Le développement de la situation en Egypte est aussi suivi avec beaucoup d’attention par le parti islamiste Ennahda du Premier ministre Ali Larayedh. Un entretien de François Hollande avec ce dernier, ainsi qu’avec le président Moncef Marzouki, est prévu ce jeudi, mais le chef de l’Etat ne compte pas rencontrer en tête à tête Rached Ghannouchi, le vrai patron d’Ennahda.

Le président français, qui doit aussi tenir un discours devant l’Assemblée nationale constituante ce jeudi après-midi, est accompagné d’une dizaine de ministres mais pas par Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur, dont les déclarations, en février, sur la montée du « fascisme islamique » avaient suscité la colère d’Ennahda et provoqué des manifestations aux cris de « La France, dégage ».

Selon l’Elysée, la visite de François Hollande à Tunis vise à « encourager et soutenir le berceau du printemps arabe ». Ce message d’encouragement s’adressera à l’ensemble des forces politiques tunisiennes, précise-t-on de même source. De la même manière, François Hollande se gardera bien d’évoquer la moindre échéance pour les travaux de l’Assemblée nationale constituante réunie après la révolution qui avait chassé l’ex-président tunisien Ben Ali, début 2011, alors que ceux-ci piétinent depuis plus d’un an et demi.

Plus largement, cette visite du chef de l’État français s’inscrit dans un contexte de vives tensions régionales. Les dirigeants français et tunisiens devraient ainsi échanger leurs "analyses" sur des questions comme l’infiltration de groupuscules islamistes radicaux libyens en Tunisie ou l’enrôlement de jeunes Tunisiens dans les rangs des jihadistes du Front Al-Nosra en Syrie.

Fer de lance du "printemps arabe", la Tunisie, qui peine à faire sa mue démocratique, au vu des débats acrimonieux en séance plénière à l’Assemblée nationale constituante, inquiète les potentiels investisseurs étrangers. Trente mois après le renversement de Ben Ali, le pays n’a toujours pas de Constitution et son taux de chômage reste élevé et la hausse du PIB peine à atteindre 4 %. Or « la Tunisie a besoin d’une croissance de 7 ou 8 % pour absorber le chômage, explique Tarek Cherif, président de l’organisation patronale Conect. Nous n’atteindrons pas ce niveau avant 2015. »

Le pays souffre d’un manque d’investissements. Ceux des pays étrangers restent faibles et baissent même de 6 % sur les quatre premiers mois de l’année. « Les chefs d’entreprise sont attentistes à cause des problèmes d’insécurité, comme l’assassinat de l’opposant Chokri Belaïd (le 6 février. NDLR), et du manque de confiance dans l’agenda politique». Chacun attend que la nouvelle Constitution soit enfin votée, d’ici à fin juillet, selon le gouvernement. Il promet aussi des élections en fin d’année, mais elles risquent d’être repoussées à 2014. Alors le monde des affaires s’interroge: où va la Tunisie, avec sa coalition compliquée au pouvoir, son gouvernement transitoire, sa menace salafiste?

Avec la baisse de ses notations financières (Ba2 selon Moody’s), la Tunisie a aussi du mal à emprunter. Elle a dû faire appel au FMI, qui lui a accordé, en juin, 1,75 milliard de dollars. Les prêts seront débloqués par tranche en fonction du respect par Tunis d’un programme de réformes destiné notamment à améliorer le climat des affaires.

Frappé de plein fouet, le tourisme, qui compte pour 7% du produit intérieur brut et emploie 15% de la population active, reste dans une situation très précaire, note encore le FMI pour qui des "échecs" dans la transition politique pourraient renforcer l’"attentisme" des investisseurs qui pourraient également être découragés par de nouveaux "troubles sociaux" et des "problèmes de sécurité ».

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite