François Hollande au baptême de la nouvelle Constitution tunisienne

Le geste est politiquement fort. Dès que la nouvelle constitution tunisienne auréolée de toutes les avancées tant vantées par la presse internationale a été votée et un gouvernement de transition formé, François Hollande a pris la décision de participer personnellement à la cérémonie d’adoption ce 7 février. Le geste se veut un soutien politique d’une grande signification. Marquer sa présence et son adhésion comme il l’avait fait lors de l’intronisation du nouveau président malien Ibrahim Boubakar Keita.

Par Mustapha Tossa

Le président Hollande visite une Tunisie qui a délibérément pris le train du changement. Contrairement à l’Egypte, les islamistes d’Ennahda ont été descendus du wagon de commande pacifiquement. « Le but n’était pas d’humilier Ennahda mais de sortir la Tunisie de la crise », a confié, jeudi dernier à Paris, le chef du parti Nidaa Tounes, Béji Caïd Essebsi, avant d’ajouter que « ce qui s’est passé en Egypte n’est pas étranger au succès de la Tunisie. C’état ça ou ça ».

À travers un dialogue politique long et tortueux qui a fini par payer, l’approbation d’une nouvelle Constitution, la formation d’un gouvernement de technocrates et d’indépendants, mené par Mehdi Jomoâ, le ciel semble dégagé et une impression de sortie de tunnel s’est installée. La communauté internationale a positivement réagi. Un signal d’une grande signification a été donné par le FMI lorsqu’il a débloqué un prêt de 506 millions de dollars. Mais sous conditions

Les Tunisiens, classe politique et opinion, sont transportés par ces vents favorables. Ils ont énormément d’attentes. Le feuille de route fixée à leur nouveau premier ministre Mehdi Jomoâ tourne autour de deux points cruciaux. Le premier est d’installer les mécanismes et l’atmosphère politique pour une vraie relance économique qui verrait le retour des investisseurs étrangers et celui des touristes qui ont boudé cette destination jadis prisée.

Le second défi qui attend le gouvernement Jomoâ est d’organiser l’ensemble de la séquence électorale à venir, qu’elle soit législatives ou présidentielles. Le nouveau premier ministre s’est engagé à ce que ces consultations soient libres, transparentes et démocratiques. Un grand test pour la jeune démocratie tunisienne à l’ombre de sa toute nouvelle Constitution.

La feuille de route du nouveau gouvernement est donc si chargée et si lourde qu’elle a besoin d’un sérieux soutien international. L’économie tunisienne, presque en cessation de paiement, sera mise dans un premier temps sous perfusion internationale pour aider le gouvernement à se consacrer à la préparation de la nouvelle séquence politique, la seule susceptible de pacifier les esprits et de stabiliser le pays.

C’est donc un pays qui a su négocier un dangereux virage que François Hollande va aller bénir et soutenir. L’exercice diplomatique sera d’autant plus sensible que la France, malgré ses solides relations historiques avec la Tunisie, avait pêché, du temps de Nicolas Sarkozy, par un laxisme et une mauvaise perception coupable. Ce qui avait eu le don de dégrader l’image de la France dans l’opinion publique tunisienne qui l’avait perçu à l’époque plus comme un frein au changement qu’un soutien à une dynamique démocratique. Depuis l’arrivée de François Hollande à l’Elysée, les erreurs sont été rattrapées. Ce qui n’avait pas empêché la diplomatie française d’exprimer des réserves, voire des critiques chaque fois que le gouvernement Ennahda dépassait les lignes rouges. Sa grande dénonciations des assassinats des deux députés de gauche, Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, ont été l’occasion de prendre des distances assez visibles avec le errements et les excès d’une révolution censée apporter la paix et le bien-être aux Tunisiens.

Il est à parier que François Hollande profitera de la tribune tunisienne pour calibrer le discours et le positionnement de la France à l’égard des grands événements qui secouent le monde arabe. La chaotique situation libyenne, l’incertain avenir de l’Algérie qui s’apprête à remettre sur orbite un président médicalement diminué, avec tous les grincements d’appareils que cela implique et la possible réouverture de la guerre des clans, propre au régime algérien.

Cette incertaine équation régionale fait qu’une grande inconnue subsiste cependant qui peut menacer l’ensemble de cette séduisante architecture tunisienne, c’est la menace terroriste et la capacité des autorités tunisiennes à la juguler. La Tunisie subit de par sa géographie l’impact d’un voisinage incertain. La menace jihadiste dans les massifs du Châambi en lien direct avec les montagnes de l’est algérien inquiète d’où le ballet de visites de part et d’autre. Quant à la Libye, elle est en train de devenir un terroir à ciel ouvert pour les activités terroristes …sans parler de la déception de tout ceux qui n’ont pas accepté d’être débarqués du pouvoir, qu’ils appartiennent à la mouvance islamistes ou qu’ils soient des ultra-fidèles (fellouls) de l’ancien régime de Ben Ali.

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