François Fillon face à la cascade d’affaires de ses ministres

François Fillon a annoncé vendredi qu’il réfléchissait à une série de mesures pour mieux encadrer les frais des ministères et des ministres. Une annonce qui se veut une réplique à une avalanche d’affaires de diverses natures, touchant toutes aux privilèges accordés par la République à ses ministres : cumul d’un salaire et d’une retraite, abus de logement de fonction… Si ces pratiques n’ont rien de nouveau, elles choquent, en pleine politique de rigueur et alors que le gouvernement demande aux Français des efforts. Retour sur ces affaires.

Eric Woerth dans la tempête Bettencourt.

Le ministre du travail est dans l’embarras après la révélation, le 16 juin, par le site Mediapart, d’enregistrements clandestins effectués au domicile de Liliane Bettencourt, héritière de L’Oréal et milliardaire, qui mettent au jour des fraudes fiscales, mais aussi des collusions politiques. Sur les bandes, le nom d’Eric Woerth est ainsi cité à plusieurs reprises, notamment comme un "ami" du principal conseiller de la femme la plus riche de France, Patrice de Maistre. Ce dernier se félicite également d’avoir embauché, à la demande du ministre, selon lui, son épouse Florence Woerth. Celle-ci a dû démissionner à la suite de la polémique, tout en démentant, comme son époux, toute collusion avec l’entourage de Liliane Bettencourt.

L’affaire a rebondi quand Le Point a révélé qu’Eric Woerth avait remis la légion d’honneur à Patrice de Maistre. Gouvernement et majorité font bloc derrière le ministre, mais le dossier des retraites, qu’il portait, a été repris en main par François Fillon.

La chère mission de Christine Boutin. Début juin, Le Canard enchaîné révèle que l’ex-ministre du logement mène pour le compte de l’Elysée une mission très bien rémunérée : son étude sur "les conséquences sociales de la mondialisation" lui est payée 9 500 euros par mois, plus un chauffeur et un budget pour quatre collaborateurs.

Pour le journal satirique, c’est un moyen de "calmer" l’ancienne ministre et de faire cesser ses critiques contre la majorité et le chef de l’Etat. L’affaire s’envenime au fil des jours, notamment lorsqu’on apprend que Christine Boutin touche sa retraite de parlementaire, de 6 000 euros mensuels, et que la plupart des missions de ce type ne sont pas rémunérées. Au final, Christine Boutin annonce renoncer à ses émoluments. Effet collatéral : François Fillon demande aux huit ministres qui cumulaient leur salaire et leur retraite parlementaire de renoncer à celle-ci. Pour Christine Boutin, ce n’est pas la première "affaire" : en décembre 2007, alors qu’elle était au ministère du logement, "Le Canard enchaîné" révélait que son directeur de cabinet, Jean-Paul Bolufer, profitait d’un loyer HLM pour un appartement de 190 m² dans le 5e arrondissement de Paris.

L’affaire Bolufer n’est que l’amorce d’une longue série. La liste des ministres sarkozystes qui profitent des largesses de l’Etat ne cesse de s’allonger.

Les deux appartements de Christian Estrosi.

En mai 2010, Christian Estrosi, maire de Nice, président de la communauté urbaine qui entoure sa ville et ministre de l’industrie, est épinglé par Le Canard enchaîné, qui révèle qu’il dispose de deux appartements à Paris, aux frais de l’Etat. A en croire le ministre, il s’agit là d’un mauvais procès. Certain de la normalité de sa situation, il invite des journalistes à visiter "une soupente" qu’il partage avec sa fille et un "studio". La "soupente" se révèle être un trois pièces lumineux de 60 m2, au dernier étage de l’hôtel de Seignelay dans le 7e arrondissement. Le studio est un duplex de 50 m2 avec vue sur la Seine. "Un lit dans un bureau", qu’il n’utilise que quand il finit "tard", assure le ministre, qui semble loin de partager les préoccupations des Parisiens en matière de logement.

Fadela Amara et ses frères. Loger ses proches aux frais de l’Etat n’est pas l’apanage du ministre de l’industrie. Fadela Amara, secrétaire d’Etat à la ville, avait refusé, lors de sa prise de fonction au gouvernement, de quitter le logement social qu’elle occupait dans le 13e arrondissement de Paris, malgré ses nouveaux revenus. La secrétaire d’Etat n’a pas pour autant fait une croix sur le logement de fonction lié à son statut. Cet appartement de 120 m2, dans le 7e arrondissement de la capitale avec vue sur la tour Eiffel, est régulièrement prêté par Fadela Amara à des membres de sa famille. Plusieurs de ses frères s’y sont succédé et l’un d’eux l’occupait récemment, bénéficiant des largesses de l’Etat, des services d’un cuisinier et d’un maître d’hôtel. Des avantages réservés en principe aux membres du gouvernement. L’ancienne patronne de Ni putes ni soumises parle d’une polémique "assez dégueulasse", tout en reconnaissant qu’on "ne peut pas demander des efforts à l’ensemble de la population si nous-mêmes on ne fait pas des efforts".

Georges Tron et le cadeau de la mairie de Paris.

Georges Tron, nouveau ministre de la fonction publique, ne s’est pas vu reprocher un usage indu de l’immobilier gouvernemental. Néanmoins, il loue un appartement de 118 m2 dans le 15e arrondissement de Paris pour 1 401 euros hors charges, une somme au moins 50 % inférieure au prix du marché. Georges Tron a obtenu son logement en 1992, révèle Libération. Il était alors chargé de mission à la mairie de Paris, dirigée alors par Jacques Chirac. Le ministre, malgré des revenus très confortables, profite depuis près de vingt ans d’un logement social. Celui-ci est compté dans le quota des 20 % de HLM qu’impose la loi SRU aux municipalités.

Les frais de jets du gouvernement. En matière d’immobilier, aucun soupçon ne pèse sur Alain Joyandet, secrétaire d’Etat à la coopération. Par contre, selon une information du Canard enchaîné, le ministre avait déclaré de fausses surfaces construites dans sa maison de Grimaud, près de Saint-Tropez, dans le but d’obtenir un permis de construire (illégal) pour l’agrandissement de sa demeure. Le secrétaire d’Etat est par ailleurs particulièrement dispendieux avec les deniers de l’Etat. En mars, il affrétait un avion privé pour se rendre aux Antilles et y assister à une conférence sur Haïti, pour la coquette somme de 116 000 euros. L’utilisation d’une ligne régulière, même en première classe, aurait coûté bien moins.

De la même façon, en 2008, Christian Estrosi, alors secrétaire d’Etat à l’outre-mer, pour ne pas manquer une réception donnée par Nicolas Sarkozy et se rendre aux Etats-unis dans la même journée, affrète un avion pour 138 000 euros plutôt que d’emprunter une ligne régulière et manquer le pince-fesses élyséen.

Les cigares de Christian Blanc. Parmi la liste des abus des membres du gouvernement, c’est la moins onéreuse pour le contribuable : Christian Blanc, secrétaire d’Etat chargé du Grand Paris, s’est fait payer 12 000 euros de cigares sur les fonds publics. L’affaire, révélée par Le Canard enchaîné, a contraint le secrétaire d’Etat à s’expliquer et assurer qu’il avait réglé sa part de consommation de cigares, soit 4 500 euros. Néanmoins, le geste n’a pas suffi pour François Fillon, qui a cette fois réclamé à son subordonné de régler l’intégralité des dépenses de cigares, au titre de "l’exemplarité" que doivent assurer les responsables politiques.

Cet engagement à l’exemplarité du premier ministre ressemble à celui que tenait Eric Woerth lorsqu’il déminait l’affaire Boutin. Une promesse restée lettre morte.

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