France: vers une presidentielle à l’issue incertaine

Il y a une phrase qui revient souvent dans les analyses politiques de cette présidentielle française: jamais scrutin présidentiel n’aura contenu autant de suspens ni été marqué par une issue aussi incertaine.

Par Mustapha Tossa

Il y a une phrase qui revient souvent dans les analyses politiques de cette présidentielle française: jamais scrutin présidentiel n’aura contenu autant de suspens ni été marqué par une issue aussi incertaine. C’est même devenu la marque de fabrique, le label original de cette course vers l’Elysée. À deux mois du premier tour, aucun institut de sondages ne peut s’aventurer à deviner les résultats ni à prévoir le déroulement et le casting final.

Cette invisibilité donne toute son ampleur et son piment à une élection destinée non seulement configurer le pouvoir en France mais à avoir aussi un immense impact sur l’espace européen déjà affaibli par le Brexit et le référendum italien et par delà une onde de choc qui pourrait faire bouger les lignes sur d’autres forums méditerranéens, arabes ou africains. D’où cette importance abrasive que prend une élection présidentielle française, la première de son genre à survenir après l’immense et imprévisible coup de force qu’a constitué l’arrivée inopinée de Donald Trump à la Maison Blanche.

Ce qui fabrique et alimente les ingrédients de ce grand suspens français a un rapport direct avec les candidats qui croisent le fer dans cette course vers l’Elysée. D’abord François Fillon. L’homme a été abattu en plein vol avec les mêmes armes avec lesquelles il avait triomphé de ses adversaires aux primaires de la droite: La transparence, l’intégrité, la probité et la droiture. Le Penelopegate a transformé ce qui s’apparentait hier une simple promenade de santé vers le pouvoir en un chemin de croix et sans doute pour certains un suicide collective de la droite. François Fillon peine lourdement à redevenir audible sur son programme politique. Le bruit des casseroles au sens propre et figuré du terme couvre son discours et l’empêche d’atteindre ses cibles. Profitant d’une impossibilité structurelle pour la droite à se procurer un plan B gagnant, François Fillon tente désespérément un rebondissement, voire une renaissance.

Ensuite il y a Emmanuel Macron, le chouchou des sondages et des magazines people. Depuis de longues semaines, l’homme survolait l’opinion. Son image idyllique de jeune loup de la politique aux dents longues et à l’ambition assumée séduisait par l’apparent vent de fraicheur et de nouveauté qu’elle introduisait dans la vie politique française. Cette attractivité continuait à exercer son effet même si les véritables ressorts de son programme étaient encore Inconnus du grand public. Puis est survenu la visite en Algérie. Destinée la base à présidentialiser son image, cette sortie d’Emmanuel Macron fut l’occasion pour lui de commettre sa première bourde politique. Dans son élan de vouloir absolument adresser des messages de réconciliation entre la France et l’Algérie et au passage draguer l’électorat franco-algérien, Emmanuel Macron a sorti la grosse artillerie sémantique et politique. Il a qualifié la colonisation française en Algérie de "crimes contre l’humanité". Si cette description lui a garanti quelques lauriers tressés par la presse et le pouvoir algérien qui se sont sentis caressés dans le sens du poil, en France, la droite et l’extrême droite, suffoquées, lui sont tombées à bras raccourcis. Emmanuel Macron vient de casser, avec la nonchalance d’un débutant, un de leurs totems sacrés. Même la gauche s’est sentie soudain prise par un malaise à égard de cette qualification. Et ce qui a fini par donner un sérieux coup de griffe à l’image et à la crédibilité d’Emmanuel Macron, c’est que sous la pression des critiques, il s’est promptement fendu de plates excuses. Attitude qui a renseigné les Français sur le niveau de sérieux et la crédibilité d’un homme capable de jouer avec des sujets explosifs pour atteindre quelques réservoirs de voix.

Il y aussi Benoit Hamon, le candidat officiel du Parti socialiste, la grande surprise des primaires à gauche. Depuis sa victoire, il a relativement disparu des radars de l’actualité. Certains n’hésitent pas à penser que c’est une stratégie mûrement réfléchie qui fait partie du style Hamon. Moins de bling bling médiatique à la Macron, moins de coups de mentons sanguins à la Mélenchon. Tout dans la discrétion et le sérieux d’un infatigable laboureur d’idées et de convictions. Mais les politologues de Paris le jugent sur sa capacité à ressembler les multiples poids lourds de la gauche lancés vers l’Élysée. Tout seul, Benoit Hamon n’a aucune chance de se qualifier au second tour de la présidentielle. Il lui faut donc des alliances. Celle avec le vert Yannick Jadot semble sur la bonne voie. Par contre celle, indispensable, avec le numéro un du Front de gauche le tumultueux Jean Luc Mélenchon est au point mort. Divisée, la gauche n’a aucune chance de décrocher la médaille d’argent au premier tour de cette présidentielle.

Il y a enfin Marine Le Pen. Tous Les instituts de sondages sont unanimes à lui garantir une qualification au second tour. Mais rares sont ceux qui lui prédisent une capacité à briser ce plafond de verre qui l’empêche d’avoir la majorité de voix nécessaires pour accéder à l’Elysée. Elle a pourtant toutes les raisons de se réjouir. Tous les voyants sont aux verts pour elle. Une droite traditionnelle empêtrée dans un scandale d’ « emplois fictifs », une gauche mortellement rongée par le virus de la division et un vent de populisme mondial qui donne de l’audience aux thématiques de son programme politique.

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