France: la loi sur l’économie imposée sans vote, crise politique

L’exécutif socialiste français a été contraint de forcer la main de sa majorité pour faire adopter son projet de loi censé « déverrouiller » l’économie du pays, en engageant mardi la confiance du gouvernement sur ce texte phare de sa volonté de réformes économiques.

Le texte n’a pas été soumis au vote des députés et sera considéré comme adopté en première lecture si une motion de censure ne renverse pas le gouvernement dans les 24 heures.

Le Premier ministre Manuel Valls a expliqué qu’il faisait ainsi jouer l’article de la Constitution qui prévoit cette procédure, car il ne voulait pas prendre "le risque d’un rejet" du texte, sur lequel la majorité était "incertaine" en raison de la fronde d’une partie des députés socialistes.

Les "frondeurs" étaient vent debout contre des assouplissements du code du travail et notamment la libéralisation du travail du dimanche prévus par la "loi Macron", du nom du jeune ministre de l’Economie Emmanuel Macron, un ancien banquier de 37 ans.

Les quelques heures précédant le vote solennel par les députés de cette loi fixé à 17H00 (16H00 GMT) ont rapidement viré à la mini-crise politique, quand il s’est avéré que les députés "frondeurs" représentant l’aile gauche du parti socialiste n’allaient pas la voter.

Le gouvernement s’est réuni en urgence en début d’après-midi, et Manuel Valls obtenait le feu vert du président François Hollande pour engager la confiance du gouvernement devant l’assemblée, conformément à la Constitution.

Le gouvernement "fera tout pour que cette loi "passe parce qu’elle est utile pour le pays", a déclaré Manuel Valls.

Le recours à cette procédure prévu par la Constitution "est une mesure de précaution", a commenté à l’AFP le politologue Philippe Braud, car même si un vote positif n’était pas exclu grâce aux voix de quelques élus de la droite ou du centre, "pour un gouvernement, c’est toujours gênant de devoir le succès à un partie de l’opposition".

C’est la première fois que cette procédure est utilisée depuis 2006.

Les élus UMP, principal groupe d’opposition de droite, ont annoncé le dépôt d’une motion de censure contre le gouvernement, qui devrait être débattue sans être adoptée jeudi soir.

"La vérité éclate au grand jour: il n’y a plus ni majorité, ni gouvernement", a commenté sur Twitter l’ancien président de droite Nicolas Sarkozy, président de l’UMP.

– ‘dos au mur’ –

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Le texte, qui devra encore être soumis au printemps à la deuxième chambre, le Sénat, comporte quelque 200 articles. Le plus emblématique concerne le tabou du travail le dimanche, qui va bousculer les comportements.

"Notre pays est dos au mur et le statu quo n’est plus une option. Nous avons besoin d’un nouveau souffle", avait expliqué le ministre de l’Economie Emmanuel Macron en présentant son texte, vivement critiqué lors de manifestations aux cris de "Macron, patrons, même combat".

Le patronat avait lui déploré que le texte ait été "édulcoré" par rapport à "l’ambition de départ", estimant qu’il faudrait "cinq ou dix lois Macron si on veut vraiment repartir de l’avant".

Pour Emmanuel Macron, la crise actuelle en France, caractérisée par une croissance atone et un chômage record de plus de 10%, résulte d’un "manque de compétitivité, d’une perte du muscle économique français, des marges trop faibles, d’un manque de mobilité de notre société, d’un manque de fluidité".

En vertu de la loi, le nombre d’ouvertures dominicales des commerces autorisées va passer de 5 à 12 par an, sur décision du préfet (haut représentant de l’Etat) sauf dans le cas de zones touristiques et commerciales qui vont être définies par décrets gouvernementaux.

Selon les cas, ces dimanches seront payés double ou devront faire l’objet d’un accord de compensations salariales entre les syndicats et le patronat.

Parmi les autres mesures, les tarifs des professions réglementées du droit (commissaires-priseurs judiciaires, greffiers des tribunaux de commerce, huissiers de justice, administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires et notaires) vont être revus.

La loi prévoit une batterie d’autres réformes allant de la libéralisation du transport interurbain par autocars à l’assouplissement des règles de licenciement collectif, en passant par une réforme du permis de conduire afin d’en réduire les délais et le coût.

La loi prévoit aussi que les chauffeurs routiers étrangers travaillant en France soient payés au salaire moyen net français (2.595 euros nets contre 1.290 euros en Hongrie, 1.524 euros en Slovaquie ou 1.428 euros en Pologne).

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