France: épreuve de vérité au Parlement pour la loi travail

L’épreuve de vérité est engagée en France pour la réforme du droit du travail, contestée par la rue, mais défendue par l’exécutif socialiste pour relancer l’emploi, qui est arrivée mardi dans l’arène du Parlement à la recherche d’un difficile compromis.

Cette réforme est «un compromis dynamique et juste (…) C’est un texte de progrès», a déclaré le président François Hollande.

«Je souhaite que cette loi fasse du bien à mon pays», a lancé la ministre du Travail, Myriam El Khomri, devant les députés qu’elle a appelé à soutenir un projet «juste et nécessaire».

«Nous aurions pu renoncer et choisir le confort de l’inertie», mais «mieux vaut être jugé sur une audace que sur une posture», a-t-elle ajouté, niant «trahir» la gauche avec ce texte jugé par ses détracteurs trop favorable aux revendications patronales.

Les syndicats de salariés et d’étudiants opposés à la réforme ont tenté de peser sur le débat parlementaire lors de manifestations à Paris et dans plusieurs grandes villes, mais la mobilisation s’est avérée nettement plus faible qu’au cours des dernières semaines.

Dans la capitale, 1500 à 3000 personnes se sont rassemblées en début d’après-midi près de l’Assemblée nationale, sous haute sécurité après un sit-in en début de journée de manifestants du mouvement citoyen Nuit Debout.

En province, plusieurs centaines de personnes ont également manifesté à Toulouse (sud-ouest), Nantes, Rennes (ouest), Grenoble (sud-est), Strasbourg (est) ou Lille (nord).

À un an de l’élection présidentielle, le projet de loi est probablement le dernier texte d’envergure du quinquennat de François Hollande, mais il est aussi celui qui aura fait descendre le plus de Français de gauche dans la rue.

Depuis le 9 mars, une demi-douzaine de manifestations nationales ont été organisées, dont plusieurs ont été entachées de violences.

La mobilisation, à son comble le 31 mars avec 390 000 manifestants dans toute la France selon les autorités, a également débouché sur le mouvement «Nuit Debout» qui campe chaque soir depuis un mois sur la place de la République, dans le centre de Paris.

La réforme vise à donner plus de souplesse aux entreprises, notamment en matière d’aménagement du temps de travail, et à clarifier les règles de licenciement économique. Mais ses détracteurs jugent qu’elle risque d’aggraver la précarité pour les salariés.

Face à la grogne, le gouvernement a déjà lâché du lest, notamment en renonçant à plafonner les indemnités en cas de licenciements abusifs. Les syndicats réformistes estiment que le texte va maintenant dans le bon sens, mais le patronat exhorte les députés à revenir à son «esprit initial», plus libéral.

«Déverrouiller» le marché du travail

«Ce marché du travail doit être déverrouillé, le monde entier le dit, Bruxelles le dit, toutes les instances internationales le disent», a martelé mardi Pierre Gattaz, président du MEDEF, la principale organisation patronale.

Outre les communistes ou certains écologistes, plusieurs députés socialistes menacent de ne pas voter le projet en l’état. À l’heure actuelle, «il manque près de 40 voix pour obtenir une majorité», selon le rapporteur du texte, Christophe Sirugue.

Pour rallier des soutiens, le projet devrait être encore amendé d’ici au vote solennel prévu le 17 mai.

En dernier recours, le gouvernement pourrait recourir à une arme constitutionnelle dont il a déjà fait usage pour forcer le passage d’une autre réforme économique contestée en 2015.

L’article 49-3 de la Constitution lui permet d’engager sa responsabilité pour éviter un vote sur un projet de loi. Si aucune motion de censure n’est déposée dans les 24 heures, le texte est adopté sans plus de formalités. Le 49-3 «n’est pas un choix que nous privilégions», a toutefois assuré le premier ministre Manuel Valls mardi.

Y avoir recours risquerait de froisser encore plus une partie des électeurs de gauche largement insatisfaits du bilan de François Hollande, selon les sondages.

Malgré une impopularité record (environ 15 % d’opinions favorables), le chef de l’État multiplie les signes de préparation à une nouvelle candidature en 2017 et soigne son électorat. Mardi, il a promis une «baisse» des impôts pour les «plus modestes» en 2017. Et après une revalorisation des salaires des fonctionnaires, son gouvernement a annoncé une prime pour les instituteurs.

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