France: Prudente ouverture sur l’immigration

Les projets de loi présentés mercredi 23 juillet conjuguent des titres de séjour plus longs et des expulsions facilitées

Après plus de deux ans de consultations avec le monde associatif, le ministère de l’intérieur a finalement présenté, lors de l’avant-dernier conseil des ministres de l’été, mercredi 23 juillet, deux projets de loi sur l’immigration. Maintes fois annoncés, maintes fois repoussés, ces deux textes étaient plus ou moins finalisés depuis le passage de Manuel Valls place Beauvau, mais l’exécutif cherchait depuis le calendrier le plus opportun pour s’épargner des débats brûlants.

Par nature, ces projets de loi sont sensibles. Le premier, relativement consensuel et surtout dicté par l’impératif de transposer des directives européennes avant juillet 2015, vise à désengorger le système d’asile. Mais le deuxième, promesse de campagne de François Hollande, a pour ambition de fluidifier l’accès au séjour, jugé contre-productif en matière d’intégration et d’attractivité des talents étrangers en France. " La France est une terre d’immigration et une terre d’asile. Elle doit le demeurer : les pays refermés sur eux-mêmes sont condamnés au déclin ", affirme M. Cazeneuve dans Libération du 23 juillet. Une approche risquée face à une opinion globalement très rétive à l’idée d’accueillir davantage d’immigration.

Soucieux de ne pas attiser les tensions, l’entourage de Bernard Cazeneuve indiquait déjà, mardi 22 juillet, se laisser jusqu’à la fin du " premier semestre 2015 " pour que ces textes soient examinés au Parlement. Autant dire une volonté de passer le plus en catimini possible sur des textes qui devraient être les seules lois immigration du quinquennat de M. Hollande.

Le texte qui réforme l’accès au séjour est celui sur lequel le moins d’informations avaient fuité jusqu’à présent. Sobrement intitulé " projet de loi relatif au droit des étrangers ", il contient les mesures les plus sujettes à discussion.

Création d’un titre de séjour pluriannuel C’est la disposition phare du texte, la plus progressiste, et une de celles qui devrait susciter le plus de débats. Elle pourrait concerner 700 000 étrangers sur les 5 millions d’immigrés que compte la France. Jusque-là, toute personne qui arrivait sur le territoire français se voyait attribuer un titre de séjour d’un an qui devait être renouvelé chaque année. Au bout de cinq ans, l’étranger pouvait demander un titre de dix ans , dit " carte de résident ". Mais ce mécanisme a surtout contribué à engorger les préfectures et à précariser les étrangers dans l’accès au logement et au travail. " C’était un système mortifère pour l’intégration ", explique-t-on place Beauvau.

A l’avenir, l’étranger qui aura eu une carte d’un an pourra obtenir, dès qu’elle arrivera à échéance, une carte de deux ans s’il est parent d’un enfant français ou conjoint de Français , soit l’essentiel de l’immigration familiale. Il pourra ensuite directement demander une carte de dix ans. Les personnes qui dépendent du regroupement familial pourront, elles, obtenir un titre de séjour de quatre ans après celui d’un an, puis solliciter un titre de dix ans.

Un système plus lisible pour les " talents " Pour les scientifiques, artistes, investisseurs, ou tout étranger considéré comme un " fort potentiel ", un titre de séjour unique de quatre ans sera créé, dit " passeport talent ". Les files d’attente en préfecture avaient un effet très négatif sur ce public au c?ur de la compétition mondiale des cerveaux. Les démarches seront aussi simplifiées pour les étudiants : ils auront droit à une carte de la durée de leurs études.

Des expulsions facilitées En échange de cette plus grande ouverture, le projet de loi prévoit de doter les préfets de moyens plus importants pour enquêter sur d’éventuelles fraudes. Il prévoit notamment de faciliter l’échange d’informations avec l’administration fiscale. Le nouveau texte prévoit surtout plusieurs dispositions pour accroître " l’efficacité " du système de reconduite à la frontière.

Alors qu’un grand nombre d’étrangers qui se voient notifier une obligation à quitter le territoire (OQTF) ne sont pas renvoyés effectivement dans leur pays, le ministère de l’intérieur envisage de réduire leurs délais de recours pour contester leur éloignement. Il propose de les ramener de trente à sept jours. L’intérieur envisage par ailleurs d’étendre la possibilité de prononcer des interdictions de séjour.

Le projet de loi souhaite aussi renforcer l’encadrement de l’assignation à résidence. Cette mesure pouvait être prononcée par les juges à l’égard d’un étranger en instance d’expulsion afin de lui épargner le placement en centre de rétention. Elle était très souvent proposée pour les familles. Le texte donne désormais de nouveaux moyens légaux aux forces de l’ordre pour interpeller les personnes à leur domicile.

Les Roms ciblés . L’article 15 du projet de loi risque de faire parler de lui autant que celui sur le titre pluriannuel de séjour. Il vise à permettre à l’administration de prononcer des " interdictions de circulation " sur le territoire français d’une durée de trois ans, contre tout ressortissant européen qui constituerait " une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société ". Cette disposition est une reprise d’une mesure déjà présente dans la loi immigration Besson de 2011. Mais, à l’époque, elle avait été mal rédigée et rendue inopérante.

Vers une meilleure intégration des primo-arrivants Le nouveau texte trace les grandes lignes pour une réforme de l’intégration des primo-arrivants. Son contenu et ses moyens restent toutefois encore très évasifs. Est seulement annoncée une révision du contrat d’accueil et d’intégration. Celui-ci prévoyait un accompagnement des étrangers durant un an. Ce suivi pourrait monter à cinq ans, avec une augmentation du niveau de français à atteindre à l’issue de cette période.

Plus symboliquement, le projet de loi acte l’ouverture des centres de rétention aux journalistes. Le projet de loi engage par ailleurs une réforme de l’accès à la carte d’étranger malade, réclamée de longue date par le monde associatif. Un grand nombre des dispositions du nouveau texte suscitent toutefois sa forte désapprobation.

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