France Offshore: procès à partir de lundi du « paradis fiscal pour tous »

Il y a cinq ans, il se vantait dans les médias français de mettre le « paradis fiscal » à la portée de tous ou presque. Le financier Nadav Bensoussan est jugé à partir de lundi pour avoir orchestré un vaste système de fraude et de blanchiment: « France Offshore ».

Fraude fiscale, participation à une association de malfaiteurs, escroquerie en bande organisée… C’est sur ce prévenu âgé de 38 ans aujourd’hui que pèsent les plus lourdes charges.

Mais c’est bien tout un système que le tribunal de Paris aura à juger jusqu’au 30 mars, à raison de trois audiences par semaine: deux avocats, un banquier, des commerciaux, quelques clients… Soit quatorze personnes et deux sociétés, dont une banque lettone.

Le fisc s’intéresse dès 2008 à ce financier haut en couleurs. Mais loin d’être désarçonné, Nadav Bensoussan crée de nouvelles sociétés et met un pied en Lettonie, ce pays entré en 2004 dans l’Union européenne et à l’époque peu regardant en matière de résidence fiscale.

En 2010, un article de presse décrit un "financier qui promet le paradis… fiscal". La même année, il explique à l’AFP qu’il n’y a "rien de plus simple" que réduire sa fiscalité: "Quelqu’un qui vend des chaussettes sur internet peut en un clic changer l’adresse de la société et la mettre dans un pays où l’imposition est beaucoup plus légère".

Dans un reportage télévisé de 2011, l’année qui voit débuter la procédure judiciaire, on suit ce jeune homme élégant à Riga.

A l’aéroport, un panneau publicitaire vante en français les services de "liberté fiscale" de France Offshore. Nadav Bensoussan est accueilli avec des fleurs et des baisers, il montre ses locaux et des dossiers de clients sur lesquels ne figure aucun nom. "On a dû les oublier", plaisante-t-il, avant d’assurer que tout est parfaitement "légal".

Sa cible: des petits patrons qui veulent "payer des impôts, mais peu, et ailleurs" qu’en France, sans disposer des fortunes qui leur ouvriraient les coffres des banques suisses. Parmi ses clients: un ostéopathe-diététicien, une entreprise d’import-export avec la Chine, un coiffeur, de petites sociétés informatiques…

Nadav Bensoussan roule en berline à sièges en cuir, mais transporte les dossiers dans des sacs plastiques, et ses pubs sur internet ne sont pas exemptes de fautes de frappe.

Un peu tapageur, un rien artisanal, le système tranche avec l’univers taiseux et sophistiqué du conseil fiscal aux grandes entreprises et aux millionnaires.

Les enquêteurs ont démonté divers mécanismes (fausses factures, filiales fictives, transferts d’espèces, etc), passant par plusieurs pays et prestataires. Par exemple Mossack Fontesa, cabinet d’avocats au coeur du scandale dit des "Panama Papers".

La justice accuse Nadav Bensoussan d’avoir entretenu, en plus des "simples fraudeurs", une "clientèle sulfureuse et confidentielle de délinquants financiers" impliqués dans des arnaques à la TVA, aux quotas de CO2, ou sur le marché des devises.

Selon les enquêteurs, un employé était particulièrement chargé de traiter avec cette clientèle, qui voulait cacher des bateaux ou encaisser des espèces.

Lors des auditions, Nadav Bensoussan a assuré qu’il n’avait pas connaissance des agissements illégaux de certains clients.

Face au manque de coopération de certains pays, et à la disparition de documents stockés sur des serveurs canadiens, les enquêteurs n’ont pu évaluer précisément les montants en jeu. Les juges d’instruction évoquent une somme d’argent blanchi de quelque 760 millions d’euros.

Les avocats de la défense comptent reprocher aux juges d’instruction ces imprécisions, ainsi que diverses inexactitudes.

Nadav Bensoussan, lui, alimentait jusqu’en mai un compte Twitter sur lequel il se présentait comme un spécialiste de "webmarketing 3.0".

afp

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