Femme, fille d’immigrés et chef d’orchestre: la vie extraordinaire de Zahia Ziouani

A 35 ans, Zahia Ziouani, rare femme dans le monde des chefs d’orchestre, est portée par une passion d’une rare intensité pour la musique classique, qu’elle entend communiquer à tous les publics quelles que soient leurs origines.

Femme, née dans une famille d’immigrés algériens en France: rien ne destinait Zahia Ziouani à devenir chef d’orchestre. Aujourd’hui, à 35 ans, à la tête de Divertimento, elle cherche à transmettre sa passion de la musique classique à tous, y compris aux milieux populaires.

Ses parents d’origine algérienne, venus en France dans les années 60, ont vécu modestement à Pantin, près de Paris, mais étaient très mélomanes. C’est grâce à eux que leurs deux filles et leur fils sont allés au conservatoire. La soeur jumelle de Zahia Ziouani est aujourd’hui violoncelliste concertiste.

L’orchestre symphonique Divertimento, dont le siège est à Stains en Seine-Saint-Denis, dans la banlieue parisienne, vient de briller dans le festival des Folles journées de Nantes (ouest de la France) consacré cette année à la musique américaine du XXe siècle. Sous la baguette de Zahia Ziouani, aussi bien des comédies musicales, de la musique contemporaine que des bandes originales de films.

Quand cette jeune femme brune toute vêtue de noir se penche sur son pupitre pour réclamer le silence à ses musiciens, le public retient son souffle. Et quand elle lance la charge de "Star Wars" (La Guerre des étoiles) de John Williams avec ses 70 musiciens, elle emporte avec elle le public, toutes générations confondues.

Mais elle se produit aussi tous les jours, loin des salles de concert de centre-ville, dans des villes populaires en banlieue parisienne, en milieu rural, "avec la même programmation", explique Zahia Ziouani lors d’un entretien.

Enfant déjà, Zahia se révoltait: "Quand j’étais enfant je trouvais que ce n’était pas normal qu’on soit obligés d’aller à Paris pour écouter de la musique classique".

Devenue une grande artiste, elle s’insurge encore contre les schémas sociaux et ne veut pas se cantonner à jouer de la musique populaire pour les classes défavorisées: "Il y a eu des politiques publiques pour valoriser les +cultures urbaines+ et un petit peu orienter tous les projets dans ce sens-là : on n’a pas à choisir à la place des gens ce qu’ils doivent voir ou pas voir", assène-t-elle.

"L’accès à cette musique classique n’est pas forcément évident pour tous les enfants et, à défaut, que cela se fasse à l’école. Moi, je pense qu’en tant qu’artiste, on a aussi une responsabilité de les amener à découvrir cette musique", ajoute Zahia Ziouani.

Avec l’école de musique de Stains, qu’elle dirige également, elle veut déceler les futurs talents des orchestres de demain, mais aussi former un public de mélomanes de ces jeunes qu’on croit habitués à n’écouter que du rap.

Reconnue à 17 ans

=================

En dépit de son parcours atypique dans le monde très fermé des grands musiciens, Zahia Ziouani ne souhaite être reconnue que pour la qualité de sa direction quand elle conduit un orchestre.

Tout comme, à 17 ans à peine, elle a été reconnue par le Roumain Sergiu Celibidache, considéré comme un des plus grands chefs du XXe siècle. Après l’avoir vue diriger, il la choisit pour suivre ses cours avec une dizaine d’autres privilégiés mais la prévient : "Dans ma classe, les femmes n’ont jamais tenu plus de quinze jours…". Zahia a tenu.

Qu’on arrête de lui parler de double culture: "Ca peut paraitre curieux, ici, en France de voir des jeunes issus de l’immigration exceller dans des domaines qui ne font pas forcément partie à la base de la culture algérienne… Mais moi, je suis née en France, j’ai grandi en France, j’ai côtoyé la société française tous les jours…", souligne-t-elle.

Sa culture peut-être mais surtout ses qualités artistiques lui ont permis de diriger plusieurs années comme invitée l’Orchestre national symphonique d’Algérie.

"Ce qui est plus difficile dans la vie de tous les jours, c’est d’être une femme et même, d’être jeune, quand on est chef d’orchestre", admet toutefois cette femme qui cache derrière un sourire très doux l’immense quantité de travail abattu pour atteindre ce niveau.

"Dans tous les postes de responsabilités dans le milieu de la musique en France, ce ne sont que des hommes".

Dernière particularité, temporaire celle-là, Zahia Ziouani dirigeait ses musiciens assise, à Nantes. La chef d’orchestre attend son premier bébé.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite