Faut-il revoir l’organisation de l’Islam de France?

Longtemps occultée, la question de l’organisation de l’Islam de France refait surface avec une grande acuité sur la scène politique française. Les derniers attentats terroristes commis par les frères Kouachi et Amedy Coulibaly ont jeté un brusque éclairage sur à la fois le discours religieux diffusé dans les mosquées de France et la capacité de le maîtriser. Au cœur de ce débat lancé avec une grande détermination par le Premier ministre Manuel Valls, l’organisation de l’islam de France, ses instances représentatives incarnées par le fameux CFCM (Conseil français du culte musulman), les multiples rapports idéologiques et financiers avec des pays étrangers.

Par Mustapha Tossa

Le CFCM a été le grand dommage collatéral des attentats terroristes qui ont visé la France. Il lui est reproché, en termes à peine voilés, de ne pas voir une stratégie efficace pour lutter contre les discours religieux les plus extrémistes qui exercent une séduction morbide sur certains jeunes fragiles socialement. Le magistère moral du CFCM, cette structure voulue et pilotée par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur et des cultes, semble avoir souffert des prédicateurs beaucoup plus efficaces et plus convaincants. D’ou la nécessité pour le gouvernement français de vouloir réorganiser cet islam de France pour lui donner les moyens de contrôler la production et la maîtrise du discours religieux.

Le CFCM qui dans l’esprit de ses créateurs se voulait être la fois l’unique interlocuteur des pouvoirs publiques en matière d’organisation du culte et mais aussi une instance à compétence religieuse, a de l’aveu de ses détracteurs, échoué dans les deux missions. Ses avocats plaident régulièrement pour la pertinence de la structure et lui trouvent des circonstances atténuantes. La première est que les pouvoirs publics, astreints dans leurs démarches par les contraintes de la célèbre loi 1905, ne sont pas allés au bout de leur logique d’organisation. La seconde est que depuis la naissance de ce CFCM, il n’a cessé d’être ce théâtre d’influence et d’antagonisme entre ses composants dont chacun rêve d’en commander les leviers. Cette situation a lourdement participé à la perte de crédit et d’autorité indispensable à l’exercice par le CFCM de son magistère moral et religieux.

L’Islam est considéré comme la seconde religion de France après le christianisme. Le nombre des musulmans est inconnu avec précision, mais le chiffre de cinq millions est régulièrement utilisé dans les médias pour décrire les fidèles ou les sociologiques de cette religion. Avant de connaître progressivement l’islam des mosquées, les musulmans de France ont vécu pendant de longues années le phénomène de l’islam des caves, ou le prêche était clandestin et incontrôlé. Cette situation a longtemps était sources de soucis pour les pouvoirs publiques qui avait l’obsession de voir se répandre sur les territoires de la république une parole religieuses radicalisée. La situation physique des musulmans de France, notamment l’image des foules en train de prier sur dans la rue, a été politiquement utilisée pour l’extrême droite pour progresser dans l’opinion et s’imposer comme une incontournable force politique. Marine Le Pen dont l’icône monte au firmament au fil des tests électoraux ne rate aucune occasion pour cibler cette religion et les musulmans de France. Au point que cela est devenu un marqueur de sa politique.

Des pistes de réflexion et d’études sont déjà à l’œuvre dans cette stratégie. La première est de veiller à donner une vraie représentativité à une structure comme le CFCM pour que les musulmans de France puissent reconnaître son autorité morale et religieuse et pouvoir s’y identifier. De nombreuses voix ne cessent de dénoncer la non représentativité du CFCM. La seconde est de contrôler davantage les liens financiers avec certains pays notamment quant il s’agit de construire des lieux de cultes et d’imaginer des solutions alternatives au cas où il s’avérerait indispensable d’assécher ces financements. L’Etat s’interdisant par principe de financer la construction de lieux de culte a laissé la porte ouverte à toutes les ingérences et à toutes les influences. Certains pays du Golfe, à la recherche de leadership, se sont infiltrés dans cette brèche. Leurs dollars ont nourri une idéologie qui est loin d’être compatible avec le vivre ensemble républicain.

La troisième est de veiller à la formation des imams qui prêchent dans les mosquées de France pour qu’elle soit en adéquation avec le vivre ensemble et la laïcité républicaine. L’Union des mosquées de France (UMF), présidée par Mohammed Moussaoui, a fait de cette épineuse question son cheval de bataille. A cette problématique s’ajoute la formation et la création de postes d’aumôniers dans les prisons françaises, considérées par beaucoup de spécialistes comme le grand lieu de radicalisation et d’apprentissage de la posture djihadiste.

Cette grande réorganisation, ce grand toilettage de l’Islam de France … La France pourra-t-elle le faire toute seule ou aura-t-elle besoin de la collaboration de certains pays musulmans qui prônent un islam modéré? Si oui, lesquels et dans quelles conditions ?

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