Faut-il réhabiliter Bachar al Assad ?

C’est une des polémiques dont raffole la presse française. Sulfureuse dans ses ingrédients. Grande par son impact et ses enjeux. Il s’agit de ce débat vif qui a suivi la visite d’une délégation de parlementaires français en Syrie et la rencontre de ses membres avec les plus hautes autorités du pays, y compris le président Bachar al Assad. Cet événement a remis à la Une la crise syrienne, laquelle par l’inévitable « monotonie » de quatre années de guerre civile, a fini par être reléguée au second plan.

Par Mustapha Tossa

Dès leur retour, cette délégation composée de quatre parlementaires, Jacques Myard (UMP) et Gérard Bapt (PS) et les sénateurs Jean-Pierre Vial (UMP) et François Zocchetto (UDI), fut accueille par une volée de bois vert. Non seulement le président François Hollande, Manuel Valls, Premier ministre, et Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, prennent leurs distances avec cette initiative, mais ils tirent à boulets rouges sur ses promoteurs, les accusant d’avoir été un instrument de promotion et de légitimation d’un homme, Bachar El Assad, accusé d’avoir commis les pires crimes contre son peuple.

A gauche comme à droite, cette initiative de " quatre gugusses" pour reprendre l’expression de Nicolas Sarkozy ou de "pieds nickelés" pour résumer l’esprit de certains éditoriaux, fut condamnée avec des mots violents et parfois moquée par une cinglante satire et ses parrains voués aux gémonies.

Mais cette visite, malgré son agenda obscur et son casting trouble, a eu le mérite d’ouvrir un débat pertinent sur la crise syrienne. Celui de poser cette problématique en termes plus clairs et plus tranchés : faut-il traiter avec Bachar al Assad dans cette guerre internationale contre Daech ? Est-il une partie de la solution comme semble le considérer l’envoyé spécial des Nations unies Staffan de Mistura ou une partie du problème comme l’avait dit clairement le président français qui refuse d’ouvrir le moindre canal de discussion avec Bachar al Assad à cause des crimes qu’il a commis à l’encontre de son peuple. François Hollande est allé jusqu’à refuser de participer aux bombardements des bastions de Daech en Syrie, limitant l’activité de l’aviation militaire française au seul territoire irakien.

Alors que ce débat de savoir s’il faut reprendre le chemin de Damas est lancé, Rachida Dati, une des voix audibles de la droite, ne mâche pas sa position sur le sujet :" Quatre ans après le début du conflit, Daech s’est installé et progresse de jour en jour(…) De plus l’opposition a toujours été déstructurée en Syrie, de sorte que la communauté internationale n’a pas d’interlocuteur fiable. C’est ce qui explique l’impasse dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Dans cette situation, la seule issue pour une résolution politique de ce conflit n’est-elle pas de rétablir le contact avec le régime d’Assad? Oui, peut-être. Il faut y réfléchir".

La position de Rachida Dati et de ceux qui militent pour la reprise du dialogue politique et sécuritaire avec le régime de Bachar aL Assad reste minoritaire en France comme l’indique un sondage publié dans le dernier JDD qui montre qu’à 61% les Français désapprouvent cette visite effectuée par des parlementaires à Damas et estiment à 56% que Paris ne doit pas renouer le dialogue avec le président syrien.

Cette visite laisse aussi une impression de mystères et d’interrogations. Les autorités françaises, à tous les niveaux, étaient au courant de cette initiative selon les déclarations du député socialiste Gérard Bapt qui ‘expose à des sanctions de son parti. L’indignation et la dénonciation cadrent mal avec la possible création d’un canal de discussion parallèle mais révèlent une volonté manifeste de tester des pistes. Mais la violence des critiques laissent entendre que les objectifs poursuivis par ce groupe ne sont pas atteints et que la porte reste fermée devant Bachar al Assad et ses espoirs de renouer avec la communauté internationale sous le prétexte de lutter contre le terrorisme. Cette position de François Hollande vient d’ailleurs d’être bruyamment soutenue par l’opposition syrienne qui la trouve "exemplaire". Dans une lettre au président Hollande, le chef de cette opposition Khaled Khoja affirme qu’une solution du conflit syrien passait "impérativement par le départ du régime dictatorial de Bachar al Assad" et pour bien enfoncer le clou, cette opposition ajoute : " Ceux qui prétendent aujourd’hui coopérer avec le régime syrien pour lutter contre le terrorisme ne parviendront qu’à accentuer ce phénomène."

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