Fathallah Sijilmassi : « On ne doit pas rester dans un partenariat euro-méditerranéen des discours et des ambitions littéraires »

Le Secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée (UpM), Fathallah Sijilmassi, a mis en garde contre la paralysie du partenariat euro-méditerranéen, asphyxié par des « discours » et des « ambitions littéraires » et appelle à des actions concrètes pour assurer la stabilité, la sécurité et la prospérité de la région.
Dans un entretien à Atlasinfo, M. Sijilmassi, qui était de passage à Paris pour participer à la réunion ministérielle du « groupe Méditerranée » aux côtés des chefs de diplomatie de la France, de l’Espagne, du Portugal, de l’Italie, de la Grèce, de Chypre et de Malte, considère que 2015 est une année cruciale et charnière pour l’’UpM, à la veille du 20è anniversaire du processus de Barcelone.

Propos recueillis par Hasna Daoudi

A un moment où il est plus question de sécurité et de terrorisme que de développement, quel est le rôle de l’Union pour la Méditerranée ?

Dans mon intervention devant le groupe "Méditerranée", j’ai rappelé qu’au moment où on traite des questions de terrorisme, d’insécurité et d’instabilité, il est aussi important que les différentes politiques qui sont engagées dans la région puissent se matérialiser par des actions concrètes. On ne doit pas rester dans un partenariat euro-méditerranéen des discours et des ambitions littéraires. Le partenariat euro méditerranéen a besoin de continuer à s’inscrire dans une logique d’action et n’a pas besoin aujourd’hui de discours littéraires. Il faut que ce partenariat, qui est avant tout une expression politique qu’une volonté, puisse trouver son illustration dans des actions qui ont vocation à apporter la stabilité et le développement dans la région.
Autant les aspects sécuritaires doivent être traités avec sérieux et urgence, autant la vraie solution réside dans une vision plus globale et plus équilibrée qui inclut la dimension développement et la dimension humaine. C’est la raison pour laquelle le Secrétariat général de l’UpM travaille sur les aspects développement pour montrer que c’est le chemin de l’avenir et assurer l’objectif principal du partenariat euro-méditerranéen: stabilité et prospérité partagée.

Quelle est la valeur ajoutée de l’UpM ?

Le Secrétariat général de l’UpM prend toute sa valeur ajoutée, avec d’autres, en étant le porteur de projets qui démontrent la capacité de la région à pouvoir être dans l’action. J’ai pu exposer aux ministres des exemples concrets mis en œuvre par des promoteurs qui sont eux-mêmes des acteurs de la coopération euro-méditerranéenne. Je cite deux projets à titre d’exemple : l’université euro-méditerranéenne de Fès et l’Ecole de la 2ème chance.
Déjà en activité, l’université euro-méditerranéenne de Fès va monter en puissance dans les deux années à venir. A travers ce grand projet structurant, initié par S.M le roi Mohammed VI, nous nous adressons à la jeunesse, à l’éducation…Autant de thématiques qui sont au cœur du partenariat euro-méditerranéen et qui sont des vrais vecteurs d’un rapprochement culturel plus fort et d’une meilleure compréhension entre les deux rives de la Méditerranée et au-delà. Une dimension africaine est également prévue dans le cadre du développement de ce grand projet structurant euro-méditerranéen qu’est l’université de Fès.
Quant à l’Ecole de la 2ème chance. C’est un grand un projet d’éducation dédié à la jeunesse et porté par des promoteurs de Marseille et des pays d’Afrique du Nord. Il vise à donner des formations et des qualifications à des jeunes déscolarisés et qui peuvent à travers une formation ou une qualification trouver un emploi. Dans l’environnement actuel, c’est extrêmement important d’encadrer cette jeunesse déscolarisée pour l’aider à s’insérer dans les circuits économiques et dans la société.
Encore une fois, il est très important de continuer à militer en faveur d’une approche globale et équilibrée entre les aspects sécuritaires et les questions liées au développement.

Vous avez qualifié 2015 d’année cruciale pour l’UpM. En quoi consiste l’urgence pour votre institution ?

2015 est en effet une année particulièrement cruciale et charnière pour les relations euro-méditerranéennes pour trois raisons: c’est le 20ème anniversaire du processus de Barcelone. Il est prévu un évènement en Espagne pour célébrer cet anniversaire qui sera aussi l’occasion de faire le point, dresser un bilan et étudier les perspectives d’avenir. La seconde est que, suite à l’arrivée d’une nouvelle équipe à Bruxelles, l’Europe est en train de procéder à une révision de sa politique européenne de voisinage. Des décisions seront prises. La troisième réside dans le fait que ces deux évènements arrivent au moment où les questions sécuritaires et celles liées aux flux migratoires et à la sécurité régionale connaissent une ampleur sans précédent. L’illustration la plus tragique est la situation qui prévaut actuellement en Libye.
Pour ces trois raisons, l’année 2015 est une année pendant laquelle des décisions importantes doivent être prises pour pouvoir renforcer le partenariat euro-méditerranéen. C’est la raison pour laquelle l’UpM, en tant que plateforme centrale de ses relations euro-méditerranéennes, est un cadre institutionnelle qui est plus pertinent que jamais et qui a tout son rôle à jouer pour contribuer à traiter de ses différentes questions au cours de cette année et au-delà.
Il y aura aussi beaucoup d’autres événements intermédiaires pour échanger et donner une impulsion à ce partenariat euro-méditerranéen. L’UpM est au centre de ses rencontres et un acteur de référence pour assurer notamment le suivi des décisions des Etats-membres afin de les opérationnaliser et faire en sorte que ce partenariat soit sans cesse densifier et en adéquation avec les besoins réels de la région.

La participation de la Syrie a été suspendue au sein de l’UpM. Qu’en est-il de la Libye ?

Officiellement, la Libye est un membre-observateur de l’UpM. Moi-même je milite pour sa pleine intégration. Mais aujourd’hui, la priorité est la stabilité, la sécurité et l’intégrité territoriale de la Libye.

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