Extrême droite française : Jean-Marie Le Pen défie les siens

Le leader historique de l’extrême droite française, Jean-Marie Le Pen, jugé par ses pairs pour de nouveaux dérapages, a exclu lundi de se retirer ou de se taire, malgré les pressions de sa fille Marine, qui lui a succédé à la tête du Front national (FN).

Le vieux tribun, 86 ans, a refusé de se rendre à une convocation devant la plus haute instance du parti qui, réunie en formation disciplinaire, devait décider dans l’après-midi d’éventuelles sanctions à son encontre après des déclarations polémiques sur la Shoah ou l’immigration.

"Le président-fondateur du FN estime que c’est contraire à sa dignité", a-t-il déclaré avec emphase devant le siège du parti, à Nanterre (banlieue ouest de Paris), où il a revendiqué de garder un rôle. "J’ai ma place, là, j’ai mon bureau (…). J’y viendrai, à moins qu’on m’empêche d’y venir".

Pugnace, il a ajouté qu’il "faudrait le tuer" pour le museler, avant d’ironiser sur la théorie freudienne selon laquelle un enfant doit "tuer le père" pour affirmer son identité.

Jean-Marie Le Pen est en conflit ouvert avec sa fille Marine, qu’il a défiée le 2 avril en reprenant des propos sur les chambres à gaz, "détails" de l’Histoire selon lui. Quelques jours plus tard, il enfonçait le clou en critiquant la démocratie et en insistant sur la nécessité de "sauver l’Europe boréale et le monde blanc".

Or, depuis 2011, Marine Le Pen s’évertue à "dédiaboliser" le FN et a officiellement tourné la page des compromissions avec les mouvements néo-nazis et antirépublicains, tout en conservant une ligne nationaliste et anti-immigrés.

Cette stratégie, couplée à une abstention grandissante en France, a permis au FN de progresser dans les urnes : arrivé en première place aux élections européennes de 2014, il a obtenu 62 élus lors de scrutins départementaux en mars, contre un seul sortant.

Mais le nouveau visage du parti n’a pas l’heur de plaire à Jean-Marie Le Pen qui, vendredi encore, a contesté l’autorité de sa cadette, en s’imposant à Paris sur une estrade où elle devait prendre la parole. Levant les bras en signe de victoire, l’eurodéputé s’est fait acclamer par les militants du parti, réunis pour leur défilé annuel, avant de s’en aller sans écouter le discours de sa fille.

"Les portes de l’enfer"

"Jean-Marie Le Pen ne doit plus pouvoir s’exprimer au nom du Front national, ses propos sont contraires à la ligne fixée", a déclaré dimanche Marine Le Pen, en qualifiant d’"inadmissibles" ses derniers actes.

Concrètement, Jean-Marie Le Pen pourrait perdre son statut de "président d’honneur" du FN, mais il faudrait pour cela organiser un congrès du parti, une hypothèse que Marine Le Pen n’exclut pas.

Un blâme, un avertissement ou une exclusion sont également envisageables. "Tout est possible", déclarait dimanche Florian Philippot, influent numéro deux du parti, pour qui Jean-Marie Le Pen ressemble à un "vieux chanteur qui a du mal à partir".

Une exclusion comporterait toutefois des risques sérieux : "ça ouvrirait les portes de l’enfer", prévient un membre du parti. "Il peut être tout aussi venimeux une fois exclu", remarque un autre.

S’il reste populaire auprès des militants historiques du FN, Jean-Marie Le Pen ne peut plus compter sur un large soutien en interne. Dans un sondage publié mi-avril, 67% des sympathisants du FN se disaient favorables à son départ et 74% d’entre eux jugeaient sa présence médiatique comme un handicap pour le parti.

Sans préjuger des décisions de son instance disciplinaire, le bureau politique du FN a adopté lundi une motion pour prendre ses distances avec "le menhir" (surnom lié à ses origines bretonnes).

"Les commentaires ou prises de position du président d’honneur ne peuvent en aucun cas engager le Front National, sa présidente ou ses instances délibérantes", a-t-il estimé, en désapprouvant ses propos tenus en avril.

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