Étonnante Amérique !

La tourmente Donald Trump continue d’agiter le sérail américain au lendemain de l’élection de celui-ci à la magistrature suprême et dont les conséquences géopolitiques et économiques sont imprévisibles.

Par Abderrahim Hafidi*

Un des thèmes brandi par le Trump pendant la campagne électorale fut l’immigration. Ses diatribes violentes et résolument hostiles à l’immigration ont clivé la société américaine et provoqué une césure que l’Amérique n’a pas connue depuis les années 60 lorsque la " Question noire " avait hanté les débats pendant plus de deux décennies.

Sa "proposition phare " d’ériger un mur tout au long de la frontière mexicaine tel un nouveau "mur de Berlin" avait déchiré l’Amérique entre des partisans, reliquat d’une Amérique dont l’hyper urbanisation a relégué des classes moyennes dans la précarité extrême, et des opposants, essentiellement au sein de la bourgeoisie citadine et cultivée, ainsi que les afro-américains et les millions des descendants de l’immigration latino !

A la veille de son départ de la Maison Blanche, Barak Obama avait fustigé " la brutalité" du programme de Trump et a, en guise de testament, mis en garde l’Amérique contre la tentation de l’enfermement et l’isolationnisme "d’une Amérique en rupture avec ce qui, jadis, fonda son histoire et sa mission : la liberté et l’ouverture au Monde". Aussitôt défait aux élections présidentielles, le Parti démocrate américain rebondira en désignant son nouveau leader.

En effet, à l’instigation de l’ex-président Obama, au terme d’un congrès de renouvellement et comme le veut une vieille tradition anglo-saxonne au lendemain de toute défaite électorale, ce Pari portera à sa tête une personnalité qui détonne : l’ancien secrétaire au travail. Tom Perez, 55 ans, est devenu, samedi 25 février, le premier hispanique à prendre la direction du Parti démocrate. Il l’a emporté au terme d’un scrutin serré sur le représentant du Minnesota, Keith Ellison – ce dernier aurait été, en cas d’élection, le premier musulman à diriger la formation.

Que l’Amérique soit prise de vertige en élisant un président qualifié par Le New-York Times d’"OPNI-Objet politique non identifié", ne doit pas nous voiler l’autre face de la patrie de Martin Luther King, à savoir la vitalité de ce grand pays et sa capacité à opérer un changement radical de son élite politique dès lors que des circonstances exceptionnelles l’exigent.

Cela a été vrai dans le passé quand l’Amérique (WASP : acronyme de white anglo-saxon protestant (protestant anglo-saxon blanc) au sortir de la seconde guerre mondiale et le choc de la guerre froide, avait choisi à l’aube des années 60 pour président un catholique moderne et partisan d’une Amérique débarrassée de la gangrène racialiste: J.F.Kennedy ! Ce fut tout récemment le cas quand l’Amérique porta à la Maison Blanche un ….Noir, moitié catholique moitié musulman par son père d’origine kenyane !

Le choix d’un hispanique comme patron du parti Démocrate, et probable candidat à la future élection présidentielle, est un acte majeur qui doit inciter d’autres démocraties à méditer cette nouveauté dans la reconfiguration de leur champ politique.

Cependant, entrons un instant dans la fiction pour voir plus clair. Imaginons le Parti socialiste français, au lendemain d’une défaite cuisante aux prochaines présidentielles, tirer les leçons de cette défaite et porter à sa tête une personnalité descendante de l’immigration maghrébine ! Ou les Républicains effacer l’humiliante saillie infligée à François Fillon, faire de même !

C’est dire que le grand soir américain n’est pas "copié-collable". Et les matins blêmes dans la patrie de Hugo ont encore de beaux jours.

*Politologue, historien

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite