Espagne : Rajoy au tribunal dans un procès pour corruption

Le Premier ministre espagnol était entendu comme témoin mercredi dans le cadre d’une affaire de corruption qui touche son parti, le Parti populaire.

Le nom et l’image du Parti populaire espagnol est à jamais entaché. Depuis octobre dernier, un procès s’est ouvert pour des faits de corruption touchant le parti conservateur depuis près de 20 ans. Une première en Espagne. Plusieurs anciens dirigeants de la formation politique ont été impliqués, et mercredi c’était au tour du chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy de témoigner devant le tribunal dans le cadre de ce procès appelé "Gürtel". Mariano Rajoy a ainsi pris place pendant presque deux heures sur l’estrade réservée aux magistrats, après avoir juré de dire "toute la vérité". L’audition était retransmise en direct à la télévision publique. Le chef du gouvernement espagnol, portant un costume et une cravate sombre, a principalement répondu aux questions de l’avocat de la partie civile, une association d’avocats proche du Parti socialiste, qui est immédiatement entrée dans le vif du sujet.

Me Jose Mariano Benítez de Lugo a commencé par l’interroger sur ses responsabilités au sein du Parti populaire, qu’il préside depuis 2004 après avoir gravi tous ses échelons pendant 40 ans, occupant des fonctions de direction dès 1986. Mariano Rajoy, au pouvoir depuis fin 2011, était appelé à témoigner dans le procès sur des pots-de-vin versés à des élus et des responsables de son Parti populaire (PP) en échange de juteux contrats publics. L’affaire compte 37 prévenus. Ses principaux protagonistes sont Francisco Correa, un entrepreneur, et Luis Barcenas, ancien intendant et trésorier du Parti populaire, un temps proche de Mariano Rajoy. Les faits remontent aux années 1999 à 2005, mais le chef du gouvernement espagnol n’est pas personnellement mis en cause.

D’affaire en affaire

Cependant l’affaire est la première d’une longue série de scandales qui ont écorné depuis presque 20 ans l’image du PP, alors même que Mariano Rajoy faisait partie de la direction. L’avocat n’a d’ailleurs pas hésité à aborder d’autres dossiers, qui n’ont pas encore été jugés mais font l’objet d’enquêtes judiciaires. L’association d’avocats démocrates pour l’Europe (Adade) qu’il représente, s’était battue pendant des années pour que le Premier ministre espagnol vienne s’expliquer sur le "contexte" dans son parti face à la corruption.

Car après cette affaire, il y en a eu un chapelet d’autres – l’affaire dite de la "comptabilité occulte" du PP, le volet à Valence du dossier Gürtel, l’affaire "Punica" impliquant des élus du Parti populaire à Madrid…. Les entrepreneurs, notamment du BTP, décrochaient des contrats, en échange de "commissions" qui enrichissaient directement les élus, allant jusqu’à financer fêtes d’enfants et Jaguars… ou directement le parti, en vue de ses campagnes. Comme ses détracteurs s’y attendaient, Mariano Rajoy n’a pas apporté d’éclaircissements. Il a assuré n’être au courant de rien et avoir coupé les ponts avec Francisco Correa et Luis Barcenas quand ils ont été mis en cause.

Appel à la démission

Le terrain était glissant pour Mariano Rajoy, qui a insisté sans cesse sur la séparation des fonctions "politiques" et "économiques" au sein du parti. "Je ne me suis jamais occupé des questions économiques du parti", a-t-il dit, assurant ne pas être au courant des activités de l’entrepreneur Francisco Correa, "un fournisseur". "Je ne le connaissais pas, j’ai dû le croiser lors d’événements publics, mais je n’ai eu aucune relation avec lui", a-t-il insisté, en martelant qu’il ne traitait que des questions "politiques". La corruption galopante en Espagne depuis plus de trente ans touche aussi d’autres formations, et même des syndicats et le monde du sport, mais depuis une vingtaine d’années, elle a particulièrement concerné le PP en raison de sa large implantation territoriale. Alliée à la politique d’austérité, elle a fini par lui faire perdre sa majorité absolue à la fin de l’année 2015 au profit de deux nouveaux partis : Ciudadanos, de centre-droite, et Podemos (gauche radicale). La corruption reste en tête des préoccupations des Espagnols.

Après sa déclaration, le secrétaire général du Parti socialiste Pedro Sánchez a publiquement demandé à Mariano Rajoy de démissionner. "Par dignité, non pas la vôtre mais celle de la démocratie, j’exige que vous démissionniez. Vous êtes le principal responsable politique du climat de corruption que nous avons vécu", a-t-il accusé. Le chef du gouvernement espagnol, lui, s’est dit "très content" d’avoir témoigné, assurant qu’il poursuivrait sa lutte contre la corruption. Mercredi matin, il était arrivé en voiture au tribunal situé dans la banlieue de Madrid, échappant aux insultes de plusieurs dizaines de manifestants qui s’étaient massés devant le bâtiment en scandant "Rajoy… à Soto del Real", la prison où sont écroués la plupart des politiques mis en cause pour corruption.

Avec AFP

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