En Arabie saoudite, la détresse des salariés de la société de Hariri

Robert n’a pas touché de salaire depuis six mois et ne peut plus payer la scolarité de ses enfants. Il travaille pourtant depuis de longues années pour le géant saoudien du BTP Saudi Oger qui compte à son actif de nombreux projets grandioses.

Fondée dans les années 1970 par Rafic Hariri, milliardaire ancien Premier ministre libanais assassiné en 2005, Saudi Oger est dirigée par son fils Saad, qui fut lui aussi chef du gouvernement libanais, et représente l’une des principales entreprises du BTP en Arabie saoudite.

Or les factures impayées d’un client clé, le gouvernement saoudien qui pâtit de l’effondrement des recettes pétrolières, s’accumulent et l’entreprise traverse une mauvaise passe.

Une grande partie des 50.000 employés de Saudi Oger, de diverses nationalités, ont connu des retards importants dans le versement de leurs salaires, explique Robert qui préfère se présenter sous un autre nom.

Il dit ne pas avoir touché de salaire depuis six mois et être parmi les plus durement touchés. "Je n’ai pas d’argent, (…) c’est dur", confie-t-il expliquant cependant "ne pas avoir d’autre choix" que de rester dans l’entreprise disant ne pas pouvoir trouver d’autre emploi.

"Il s’agit d’une situation désespérée", affirme une source bien informée, décrivant des familles expatriées dans une situation comparable à celle de Robert. "Ils ne peuvent même pas payer les billets" d’avion pour rentrer chez eux, dit-elle, soulignant l’impact sur les cadres mais aussi sur les ouvriers à faible revenu.

Mais selon plusieurs sources, les difficultés économiques actuelles du royaume ne sont pas les seules causes des problèmes de Saudi Oger.

"Déjà, à l’époque où je travaillais chez Saudi Oger, il y avait des retards de paiement dans les salaires des employés locaux. La situation s’est visiblement aggravée", explique à l’AFP un ancien salarié.

Selon la source bien informée, la mauvaise gestion "est l’un des principaux problèmes" à Saudi Oger, même s’il a été amplifié par les difficultés économiques de l’Arabie saoudite, confrontée à un déficit budgétaire de 87 milliards de dollars (78 milliards d’euros) cette année.

Préoccupée par le sort des centaines d’employés français de l’entreprise, l’ambassade de France a envoyé deux lettres à Saudi Oger, qui a promis de régulariser la situation fin mars.

– Tensions politiques –

"La question est de savoir s’ils ont les fonds pour tenir leurs promesses", a avancé la source.

D’autant que la fragilisation de l’empire Hariri intervient dans un contexte de tensions politiques entre l’Arabie saoudite et l’Iran.

Cette crispation a conduit notamment Ryad à punir Beyrouth pour des positions antisaoudiennes du gouvernement libanais, que domine le Hezbollah alors que le camp de Saad Hariri, un protégé du royaume saoudien et adversaire politique de la formation pro-iranienne est en perte de vitesse.

Le sort de l’entreprise familiale des Hariri soulève deux questions, relève un homme d’affaires libanais travaillant en Arabie saoudite: "les banques locales saoudiennes vont-elles continuer à financer Saudi Oger et secundo, la famille Hariri va-t-elle réussir à faire entrer un investisseur et de l’argent frais?".

"La trésorerie du groupe était mal gérée depuis longtemps", souligne-t-il parlant même d’un risque de "banqueroute" alors que Saudi Oger doit faire face à deux concurrents de taille, Saudi Binladin Group et al-Seif.

Mais selon Robert, aucun des projets de l’entreprise, dont un hôtel cinq étoiles et une tour dans le quartier financier du roi Abdallah, n’a été annulé. Ils ont juste été "ralentis" pour cause de marasme économique.

Les tentatives de l’AFP de joindre un porte-parole de Saudi Oger sont restées infructueuses.

Dans un marché qui est, au bout du compte, totalement lié au gouvernement, les projets de construction ont été "ralentis" et les liquidités "n’arrivent pas à temps", confie un entrepreneur.

Mais Robert attend toujours de toucher son salaire et il reste "quelque peu optimiste".

Saudi Oger pourrait prendre une "nouvelle direction", espère-t-il rappelant que "c’était l’une des meilleurs sociétés".

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