« En 2020, la moitié de la planète pourrait manquer d’eau potable »

Alain Boinet, président-fondateur de l’ONG Solidarités International, dénonce le fléau de l’eau non potable qui fait 8 millions de morts par an.

Comment, en 2010, l’eau non potable peut-elle encore être la première cause de mortalité dans le monde avec 8 millions de victimes chaque année?

D’abord, il faut savoir que seuls les pays peu ou pas développés sont touchés, principalement en Afrique et en Asie du sud-est. Et il ne s’agit pas que de régions en manque d’eau. En République démocratique du Congo, par exemple, de nombreuses personnes sont victimes de l’eau non potable. Tout cela est essentiellement dû à l’insalubrité de l’eau, contaminée par l’activité humaine et animale. Cette insalubrité favorise la transmission de maladies comme le choléra, l’hépatite ou même la diarrhée, qui tue à elle seule 1,8 million d’enfants chaque année.

Les pays développés sont, eux aussi, victimes d’une activité humaine et animale très polluante, et l’eau non potable ne tue pas pour autant.

Il y a plusieurs raisons à cela. D’abord, dans les pays développés, l’eau est traitée. Croyez-moi, il y aurait beaucoup plus de problèmes en France si les gens devaient boire directement l’eau de la Seine! Ensuite, nous avons, ici, les moyens de soigner des maladies comme la diarrhée ou l’hépatite. Enfin, tous les habitants des pays développés ont, en général, accès à l’eau potable sans difficulté. A moins d’une grave crise, je ne pense donc pas que nous soyons un jour confrontés à ce fléau en France. D’ailleurs, beaucoup de Français ne sont même pas au courant que l’eau non potable tue autant.

Doit-on craindre une aggravation, dans d’autres pays, dans les années à venir?

Oui. Si on ne fait rien, en 2020, la moitié de la planète pourrait manquer d’eau potable, contre un quart actuellement. Les changements climatiques pourraient rendre la situation encore plus difficile encore. Si l’on ajoute à cela l’explosion démographique, une aggravation est à craindre. On ne peut malgré tout pas nier que des progrès ont été faits, principalement en Inde et en Chine. Mais ces améliorations sont mal réparties.

L’eau peut-elle devenir un enjeu géopolitique majeur dans les prochaines années?

C’est difficile à dire. Aujourd’hui, même si on en parle beaucoup, il n’existe que très peu de véritables guerres de l’eau. Mais il y a d’ores et déjà beaucoup de tensions liées à ces questions. En Chine, par exemple, le gouvernement a décidé de réunir tous les autres pays traversés par le Mékong (Vietnam, Laos, Cambodge, Thaïlande, Birmanie). Devant la multiplication des barrages construits par le gouvernement de Pékin, qui selon eux assèchent le fleuve, ils craignaient de ne plus voir le Mékong arriver jusqu’à la mer.

Autre exemple, plus frappant: le Soudan, où le manque d’eau est à l’origine de beaucoup de tensions et est même considéré par certains comme un des éléments déclencheurs du conflit qui a ravagé le Darfour.

Comment votre ONG intervient-elle dans les pays touchés par le manque d’eau potable?

Nous avons plus de quinze missions à travers le monde actuellement, en Afghanistan, au Libéria, dans le nord du Kenya… Nous avons mis en place un programme d’accès à l’eau potable avec des forages et un traitement de l’eau. Dernièrement, nous sommes intervenus en Haïti afin de répondre à l’urgence humanitaire.

Notre priorité est de réduire la mortalité. Ensuite, le reste viendra tout seul. On se rend compte que l’accès à l’eau potable est un véritable facteur de développement et suffirait parfois à améliorer bien des situations.

Pour sensibiliser le public à notre combat, jusqu’au 22 mars, date de la journée mondiale de l’eau, nous allons installer une grande fontaine, un peu spéciale, sur la place du Palais Royal, à Paris.

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