Egypte: trois ans après la révolution, le chef de l’armée acclamé sur Tahrir

"Je suis ici pour soutenir notre armée et notre police": comme Sayyed Abdallah, ils sont venus par milliers sur la place Tahrir du Caire pour acclamer leur héros, le général Abdel Fattah al-Sissi, chef de l’armée et nouvel homme fort de l’Egypte.

Le 25 janvier 2011, la révolution débutait sur cette place emblématique aux cris de "Moubarak, dégage!". Trois ans après son départ, après trente années de pouvoir absolu, la foule noyée sous une nuée de drapeaux égyptiens et de portraits du général scande sans discontinuer: "Sissi! Sissi!".

Le général, qui ne cache plus guère ses intentions de se présenter à l’élection présidentielle prévue en 2014, cherche la caution de la rue avant d’annoncer sa candidature. Son entourage estime qu’une participation massive des Egyptiens samedi pourrait être une indication supplémentaire.

Sur Tahrir, la foule reprend en choeur "La police, l’armée et le peuple, unis", tandis que sur une estrade une fanfare égrène des chansons patriotiques.

Si les forces de sécurité et le peuple doivent s’unir, c’est pour affronter les Frères musulmans du président islamiste Mohamed Morsi, destitué début juillet par l’armée, assurent les manifestants qui les accusent, à l’unisson des médias, d’être des "terroristes".

D’ailleurs, la foule appelle régulièrement à l’"exécution des Frères", dont le parti politique avait fini en tête de toutes les élections organisées après la révolution.

Depuis l’éviction de leur champion, plus de 1.000 personnes ont été tuées dans la répression des autorités installées par l’armée, et des milliers d’islamistes ont été arrêtés.

Un Coran dans une main, une croix dans l’autre et un char en plastique juché sur sa tête, M. Abdallah jure qu’il fera "tout pour soutenir policiers et soldats" contre les Frères musulmans.

Vendredi, quatre attentats ont frappé Le Caire, visant la police et faisant six morts. Ils ont été revendiqués par un groupe jihadiste basé dans le Sinaï et sans lien connu avec les Frères musulmans, mais pour la foule le coupable est tout désigné: la confrérie de M. Morsi. Samedi, de nouveau, deux attentats ont visé la police au Caire et à Suez, sur le canal du même nom.

Un peu plus loin, des familles continuent d’affluer sur Tahrir, se pressant devant les entrées ménagées au milieu des fils barbelés tendus autour de la place gardée par des blindés de l’armée et survolée par un hélicoptère militaire.

Il faut ensuite passer des portiques de sécurité, présenter sa carte d’identité et subir une fouille. Mais une fois sur la place, l’ambiance est à la fête.

Lacrymogènes et chevrotines

Côté anti-pouvoir en revanche, la fête aura été de courte durée. Ils s’étaient rassemblés en début d’après-midi sur la place Mostafa Mahmoud du Caire, avec pour objectif de rallier Tahrir à l’issue d’une longue marche. Mais la police est venue doucher leurs espoirs.

La foule de plusieurs centaines de personnes –autant d’islamistes pro-Morsi que de jeunes issus des mouvements révolutionnaires– a tout juste eu le temps de commencer à scander les slogans phares de la révolte de 2011: "Le peuple veut la chute du régime" et "Du pain, la liberté, la justice sociale".

Au bout de quelques minutes à peine, un camion blindé est arrivé, des policiers en sont descendus et une pluie de grenades lacrymogènes entrecoupée de tirs de chevrotines s’est abattue sur la place. Le rassemblement, éparpillé en quelques instants, s’est brièvement reformé dans une rue adjacente, aux cris de "A bas le régime militaire".

Avant la dispersion, Aly Ghoneim, membre d’une coalition de jeunes rassemblant différents courants laïques et progressistes, expliquait avoir quatre ennemis: "l’armée, le ministère de l’Intérieur, les caciques de l’ancien régime et les Frères musulmans". Mais si les islamistes acceptent d’endosser les slogans de la révolution, ils sont les bienvenus, jure-t-il.

"La révolution du 25-Janvier continue, pour libérer l’Egypte des militaires", lance Mamdouh Mohammed, médecin de 51 ans.

"Tous ceux qui crient +A bas le régime+ sont avec nous", renchérit Ahmed Amine, cigarette aux lèvres et cheveux longs. Derrière lui, des manifestants islamistes achèvent de prier avant de se lever pour entonner "Sissi, ton tour arrive", en référence au slogan utilisé dans les différents pays du Printemps arabe, où plusieurs présidents sont tombés l’un après l’autre.

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