Égypte-Maroc : le raïs et le roi sont nos amis

Pour une fois François Hollande a eu doublement raison. D’abord d’accepter la place d’honneur offerte par le président égyptien Mohamed al-Sissi pour l’inauguration, ce 6 août, du deuxième canal de Suez. Ensuite d’avoir chaleureusement félicité le roi du Maroc Mohamed VI, le 30 juillet, à l’occasion du seizième anniversaire de son investiture. Il l’a fait pour balayer des mois de brouille avec le Maroc et annoncer « un nouvel élan » sur ces mots : « L’expérience marocaine de stabilité et de développement est une chance pour toute la région. »

L’Afrique du Nord n’est pas encore remise des catastrophiques révolutions arabes de 2011. Minée par la désagrégation de la Libye, le marasme et l’agonie du régime algérien et les soubresauts de la malheureuse Tunisie, elle est une une bombe migratoire pour l’Europe.

La Libye a été durablement déstabilisée par le renversement et la mort du colonel Kadhafi en 2011. L’autocrate tenait son pays et ses tribus d’une main de fer. Il contrôlait aussi ses frontières. Ce n’est plus le cas. La Libye a éclaté, irradiant son instabilité dans tout le Sahel. Les islamistes s’apprêtent à y installer un nouveau califat.

La Tunisie émerge difficilement de quatre ans de chaos. Elle n’est pas encore stabilisée. Les attentats islamistes de ces derniers mois font fuir les investisseurs et les touristes, ce qui ruine son économie et plombe les efforts de redressement.

En Algérie
c’est l’alerte rouge. Le régime agonise, au rythme de la maladie du président Bouteflika et de la chute des cours de l’or noir. La baisse des recettes tirées des hydrocarbures produit une saignée mortelle pour ce système qui ne tient que par l’argent de cette rente, aujourd’hui très dégradée, et ses énormes budgets sociaux. A Alger, l’autorité politique vacille, l’économie s’affaisse. Les clans civils et militaires préparent la succession et commence le partage des dépouilles. L’éclatement de ce géant de 45 millions d’habitants serait un cataclysme autant pour l’Afrique du nord que pour l’Europe.


Egypte et Maroc, deux ilots de stabilité

Dans ce paysage très dégradé, l’Egypte et le Maroc sont les deux pôles de stabilité sur lesquels la France et l’Europe peuvent et doivent s’appuyer. Le raïs égyptien et le roi marocain sont nos amis. Il faut les soutenir sur les plans politique et militaire. Le régime autoritaire égyptien n’est pas un modèle mais une option, sans doute la seule pour combattre l’islamisme conquérant dans cette région. L’Egypte est en guerre contre les djihadistes. La poigne de fer du président Al-Sissi est indispensable pour assurer la sécurité du canal de Suez, du Levant et de la Méditerranée occidentale. Al-Sissi a la chance d’être soutenu par une majorité de d’Egyptiens, ceux qui refusent l’islamisation de la société prônée par les Frères musulmans. Pour tenir, il devra procéder à de vraies réformes et surtout obtenir très vite des résultats économiques probants. Ce chantier pharaonique du canal de Suez va l’y aider (les capacités de trafic maritime et les revenus du pays devraient doubler). Cette prouesse technique est aussi une fierté légitime pour les Egyptiens. Elle leur donne confiance dans l’avenir.

Ilot de stabilité, la monarchie marocaine est un modèle, du fait de son système monarchique et du statut de commandeur des croyants du souverain. Ce sont les clés de l’« exception marocaine » (titre d’un ouvrage de Charles Saint-Prot et Frédéric Rouvillois, paru chez Ellipses en 2013). Si décrié à son avènement, le roi Mohamed VI a su lancer les réformes politiques, administratives et économiques avant les autres. Le royaume a ainsi évité les secousses de ses voisins. La légitimité du roi est double. Souverain héritier d’une dynastie qui incarne et garantit l’unité et l’identité du pays, il est l’arbitre du jeu des partis et de l’alternance politique. Les dernières élections ont ainsi pu désigner une majorité islamiste, sans traumatisme majeur. Malgré des ferments bien réels de radicalisme dans la société marocaine, l’islamisation du pays n’est pas à l’ordre du jour et le Palais royal veille à garder le contrôle de la situation.

L’autre atout du roi Mohamed VI est sa stature de commandeur des croyants, cœur de sa légitimité religieuse et de sa stratégie face aux islamistes. « Au Maroc, le réformisme et la maîtrise du champ religieux vont de pair », explique Charles Saint-Prot, directeur général de l’Observatoire d’études géopolitiques. Le pays s’est engagé dans un ambitieux travail de formation des imams africains, au-delà des frontières du royaume. Le roi a ainsi installé, le 13 juillet à Casablanca, la Fondation Mohammed VI des oulémas africains. Placée sous sa présidence, cette instance va unifier et coordonner les efforts des oulémas musulmans du Maroc et d’une trentaine d’États africains en faveur de « l’islam du juste milieu ». Les Marocains le disent à tous leurs visiteurs français : « Ce chantier pourrait constituer un exemple pour la France et un axe de coopération majeure entre nos deux pays. »

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