Echec de l’intégration régionale ou l’histoire de la tomate marocaine qui transite par Marseille pour arriver à Alger

Pour illustrer l’échec de l’intégration maghrébine et la fermeture des frontières algéro-marocaines, le rapport, commandé et approuvé mercredi 30 octobre par la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française, raconte l’histoire de la tomate marocaine qui doit transiter par Marseille pour arriver sur un marché algérien.
« La boutade est cruelle mais malheureusement pas infondée. Pourtant, potentiellement, les instruments sont là. L’Algérie est membre de l’Union du Maghreb arabe, organisation économique formée par les cinq pays du Grand Maghreb », souligne le rapport, le premier effectué par des députés français sur l’Algérie.

Qualifiant les tensions entre le Maroc et l’Algérie de structurelles, les députés français parlent de rivalité entre l’Algérie et le Maroc et estiment que les conséquences les plus spectaculaires sont la fermeture de la frontière entre les deux États mais aussi l’absence de véritable perspective d’intégration régionale au Maghreb.

« Ainsi la frontière algéro-marocaine n’est-elle restée ouverte, ces cinquante dernières années, que pendant 28 ans, de 1963 à 1974 et de 1975 à 1994. Peu d’indices semblent indiquer, aujourd’hui, sa réouverture prochaine, quand bien même la situation actuelle confine parfois au ridicule . Car alors que tant de pays se regroupent aujourd’hui en marchés communs ou en zones de libre- échange, le Maghreb, lui, reste ostensiblement à l’écart », », déplorent-ils dans ce rapport dont Atlasinfo a obtenu copie.

Selon les députés français, la « rivalité entre l’Algérie et le Maroc remonte à la guerre des sables, en 1963, née d’incidents à propos des frontières coloniales », indiquant que « Depuis ce conflit, Alger et Rabat n’ont cessé de diverger. Durant la guerre froide, par exemple, la république démocratique tiers-mondiste n’était pas dans le même camp que la monarchie ouverte et proche de l’Occident ».

Sur le plan économique, poursuivent-ils, les modèles retenus par les deux États ont été, dès le début, antinomiques et, sur le plan militaire, les doctrines et postures des deux « frères ennemis » étaient clairement distinctes, ce qui a encore un impact sur l’organisation des armées respectives. « Il n’y a qu’à voir, par exemple, aujourd’hui, l’équipement des forces aériennes de chaque État : là où l’Algérie s’approvisionne quasi exclusivement auprès de fournisseurs de l’ex URSS (Sukhoi 30, Mig 29, Yak 130…), le Maroc, lui, a longtemps fait confiance à la France et, plus récemment, s’est équipé de F16 américains qui en font l’un des pays les mieux équipés en Afrique du Nord » , rel-vent les députés français.

Le rapport estime aussi que le contentieux sur le Sahara empêche aujourd’hui une normalisation des relations algéro-marocaines . « Depuis trente-huit ans, le Sahara occidental est un abcès pour l’ensemble de la région. Officiellement entre les mains de l’ONU, il oppose régulièrement l’Algérie et le Maroc sur la scène internationale ».

Pour les députés français, il est plus que dommageable qu’aucune des initiatives existantes, l’Union du Maghreb arabe, le processus euro-méditerranéen de Barcelone, l’Union pour la Méditerranée, la Zone arabe de libre-échange (ZALE) ayant pour but la facilitation et le développement des échanges commerciaux entre les États arabes, « ne parviennent à donner une portée concrète à la coopération et à l’intégration régionales dont le Maroc et l’Algérie pourraient être de remarquables moteurs comme la France et l’Allemagne l’ont été en l’Europe ».

Le constat de ce rapport trouve écho dans la tension que traversent actuellement les relations entre Rabat et Alger. Le Maroc a décidé mercredi de rappeler son ambassadeur pour protester contre la « multiplication des actes de provocations et d’hostilités de l’Algérie à l’égard du Royaume, notamment s’agissant du différend régional au sujet du Sahara marocain ».

« Plus particulièrement, le message adressé, le 28 octobre, par le Président algérien à une réunion, à Abuja, d’une nébuleuse hostile au Maroc illustre cette volonté délibérée d’escalade et confirme cette démarche de blocage et de maintien du statu quo », indique un communiqué du ministère marocain des affaires étrangères.

« Ces actes regrettables et récurrents vont à l’encontre de la volonté sincère du Maroc d’instaurer des relations de fraternité, de coopération et de bon voisinage avec l’Algérie, afin de favoriser l’intégration maghrébine et de relever les défis multiples auxquels fait face la région », souligne le communiqué.

L’Algérie a pris note avec "regret" de la décision de rappeler pour consultation son ambassadeur à Alger, a indiqué jeudi le ministère des Affaires étrangères.

Réagissant à ce rappel, Paris a appelé à un rapprochement entre le Maroc et l’Algérie et rappelé que les « nombreux défis que rencontrent les pays maghrébins rendent souhaitable une bonne coopération régionale afin de construite un Maghreb uni, stable et prospère".

Le rapport de 97 pays sera mis en ligne sur le site de l’Assemblée nationale, ainsi que le compte rendu complet des discussions au sein de la Commission lors de sa présentation.

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