Donald Trump et le Maghreb

Dans toutes les capitales du Maghreb, c’est le thème de réflexion et de discussions: Quelle sera la politique de la nouvelle administration américaine à l’encontre des enjeux de pouvoir au Maghreb?

Par Mustapha Tossa

Le nouveau maître de la Maison Blanche Donald Trump opérera-t-il la même rupture qu’il est en train d’installer à l’égard d’alliés traditionnels de l’Amérique comme les pays de l’Union européenne? S’il conjugue cette relation sur le même tempo, s’il lui octroie la même tension, il faut s’attendre à de grands tournants aussi inattendus qu’imprévisibles.

La seule indication, c’est que Donald Trump a décidé et a déclaré que sa nouvelle politique serait de se débarrasser du fardeau financier imposé par l’implication américaine sur le continent africain et donc, le Maghreb. Bien sûr, les capitales du Maghreb sont dans l’attente. La question est de savoir, qui va profiter de ces changements effectués par la diplomatie américaine.

En attendant que la nouvelle administration américaine dévoile sa stratégie, deux courants de pensées et d’analyses émergent. Le premier s’attend à un véritable tournant de l’approche américaine basé sur le seul intérêt économique d’un président/ homme d’affaires qui ne perçoit la région que par le seul prisme du marché. Le second ne voit dans cette excitation en provenance de Washington qu’un vent de fumée aux postures post-électorales qui finira par s’assagir au contact de la Real politique qui définit les intérêts et les rapports de forces.

En tout cas les capitales du Maghreb, Rabat et Alger surtout en concurrence frontale sur de nombreuses questions stratégiques, s’apprêtent à livrer une âpre bataille de séduction et de lobbying auprès des nouveaux maîtres de la Maison Blanche. Chacune fera valoir ses atouts et ses attraits pour tenter cette nouvelle politique américaine. D’ailleurs chacune des capitales croit savoir que l’avènement d’un homme comme Donald Trump peut servir ses intérêts et consolider son agenda.

L’Algérie d’abord, pays pétrolier mais dont l’économie s’effondre avec la baisse du prix du baril, espère faire valoir cette richesse auprès d’un pouvoir composé essentiellement d’homme d’affaires milliardaires. Pour avoir l’oreille américaine, l’institution militaire algérienne qui détient la réalité du pouvoir dans ce pays pourrait sur cette corde sensible et séduisante. Elle aurait pu le faire avec plus d’efficacité si du point de vue des Américains, l’Algérie n’était pas un pays à l’avenir incertain. La succession d’Abdelaziz Bouteflika, gravement handicapé par la maladie, s’annonce empreinte de tourments et d’incertitudes. D’autant que la situation sociale et sécuritaire du pays s’annonce explosive. Pour l’Amérique comme pour l’Europe, l’équation algérienne avec ses multiples inconnus est beaucoup plus une source d’inquiétudes qu’une promesse d’avenir meilleur. Et si l’on rajoute à ce tableau le jeu trouble joué par les militaires algériens dans la guerre contre le terrorisme au Sahel, leur approches trouble des groupes terroristes, le tableau de la scène politique algérienne n’a pas de quoi séduire une administration américaine qui met la guerre contre le fléau du terrorisme au top de ses priorités.

Le Maroc suit de très prés l’évolution du pouvoir aux Etats-Unis. Le Roi Mohammed VI a été un des premiers chefs d’Etat à féliciter Donald Trump après sa victoire. Le royaume possède de précieux atouts à faire valoir et qui le rend indispensable. D’abord son rôle incontournable dans la guerre contre les groupes terroristes qui rend l’expérience marocaine scrutée et enviée par beaucoup. Parallèlement aux infatigables investigations sécuritaires qui aident au démantèlement de cellules terroristes au Maroc et ailleurs, le Maroc oppose au discours de la violence une approche de juste milieu dont l’objectif est de construire un contre-discours pour éteindre les tendances radicalisées. Le Maroc est aidé en cela par la fonction de commandeur des croyants qu’occupe le Roi Mohammed VI et qui participe au rayonnement religieux et spirituel du Royaume sur l’ensemble du continent africain.

Ensuite il y a l’atout économique. Depuis de longues années, le Maroc s’est imposé comme un incontournable hub qui lie les différents marchés mondialisés à l’Afrique. Il a aussi acquis une précieuse expertise et le savoir-faire pour faciliter les investissements de grandes entreprises étrangères sur les territoires africains.

Entre le Maroc et l’Algérie, il y a le conflit du Sahara qui empoisonne actuellement les relations entre les deux pays eu égard au soutien d’Alger aux séparatistes du Polisario. Ce problème-là risque de connaître un développement majeur. Vu le tempérament de Donald Trump et sa manière de percevoir la diplomatie et les crises internationales, on peut imaginer que la nouvelle administration, soit sur le plan militaire et sécuritaire ou sur celui des affaires étrangères, puisse percevoir ce conflit comme un élément qui peut constituer un terreau pour les terroristes et les éléments déstabilisateurs de la région.

A partir de cette lecture-là, on peut s’attendre à ce que l’administration américaine sous Trump puisse avoir une vision beaucoup plus tranchée et claire des enjeux stratégiques que nécessite la résolution de ce conflit. On s’attend à ce que la nouvelle administration ait moins de sympathie pour les séparatistes du Polisario, puisque la réalité du terrain stratégique et sécuritaire prime forcement sur toute autre vision.

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