Donald Trump, climatosceptique assumé, peut casser la dynamique de l’Accord de Paris
Avec l’élection de Donald Trump, une période de forte incertitude s’ouvre sur la politique climatique des Etats-Unis. » Alden Meyer, le directeur du groupe de réflexion américain Union of Concerned Scientists (UCS), présent mercredi 9 novembre au Maroc pour la 22e conférence climat (COP22), est inquiet. « Cette annonce aura un effet psychologique indéniable, même si elle ne devrait pas bloquer la session de travail de Marrakech », estime cet expert en stratégie
De quelle marge de manœuvre dispose-t-il ? Selon l’article 28 de l’accord, chaque partie peut se retirer « à l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date d’entrée en vigueur du présent accord ». « La dénonciation prend effet à l’expiration d’un délai d’un an » à compter de la démarche de retrait. Un délai de quatre ans est donc -nécessaire. Si les Etats-Unis décidaient de quitter le cadre des négociations climatiques, comme le permet aussi l’article 28, ils devraient respecter le même calendrier de retrait de l’accord de Paris.
Les Etats-Unis risquent d’affaiblir le processus de négociation dont ils avaient le leadership ces dernières années. Barack Obama et son secrétaire d’Etat, John Kerry, ont eu un rôle décisif dans le succès de l’accord de Paris. En 2014, un an avant la COP21, sous leur impulsion, Etats-Unis et Chine s’étaient engagé : Washington avait promis de réduire de 26 % à 28 % ses émissions d’ici à 2025 par rapport à 2005 et Pékin d’atteindre son pic d’émissions de CO2 en 2030.
Ce volontarisme des deux plus gros émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre a eu un effet d’entraînement sur les grandes puissances émergentes. « Les négociations climatiques ont été ces dernières années le point fort de la coopération entre la Chine et les Etats-Unis. Cette relation va être plus compliquée », analyse Alden Meyer.
Le coup d’arrêt américain pourrait avoir l’effet inverse et paralyser la dynamique des négociations. Les pays plus réticents, comme la Russie, les Etats pétroliers du Golfe ou la Turquie, pourraient s’engouffrer dans la brèche. Autre inconnue : la future administration honorera-t-elle les promesses financières faites par Barack Obama ? Le président sortant a engagé le pays à verser 3 milliards de dollars au Fonds vert pour le climat (destiné à soutenir les pays du Sud les plus vulnérables au réchauffement). Pour le moment, seuls 500 millions de dollars ont été débloqués.
Sans attendre la victoire officielle de M. Trump, la Chine a mis en garde les Etats-Unis. " Si – les dirigeants politiques – américains résistent à la dynamique actuelle, je ne crois pas qu’ils auront le soutien de la population, et l’économie et le progrès social du pays seront également affectés ", s’est avancé le chef négociateur chinois, Xie Zhenhua.
Sur le plan intérieur, le risque de retour en arrière est considérable. Le « Clean Power Plan » (« plan pour une énergie propre ») est plus fragilisé que jamais. Clé de voûte de la politique climatique de Barack Obama, ce programme vise à réduire de 32 % d’ici à 2030 les émissions de gaz à effet de serre liées à la production d’électricité, notamment en subventionnant les énergies renouvelables pour accélérer la transition. Suspendu depuis février en raison de la procédure intentée par 27 Etats, majoritairement républicains, le « Clean Power Plan » est désormais dans l’attente d’un arbitrage de la Cour suprême, qui pourrait lui être fatal.
Donald Trump a promis qu’il supprimerait l’Agence de protection de l’environnement, qu’il relancerait le projet controversé d’oléoduc Keystone XL, abandonné par son prédécesseur, et qu’il lèverait les restrictions à la production d’énergies fossiles. Les centrales à charbon comptent encore pour plus de la moitié de la production électrique dans quatorze Etats et pour un tiers dans vingt-cinq autres. Elles représentent à elles seules 40 % des émissions américaines de CO2.
Les observateurs font valoir qu’entreprises, collectivités, et même certains Etats sont déjà engagés dans une transition énergétique, dont la Californie est le fer de lance. L’Etat américain s’est engagé à réduire les émissions de ses centrales de 40 % par rapport à 1990 d’ici à 2030 et à assurer par des sources renouvelables 50 % de son électricité à la même date.
« Il y a un énorme mouvement, dans énormément de pays, pour agir, et d’ailleurs l’économie qui avance est celle des énergies renouvelables, des transports propres »,se rassure la négociatrice française, Laurence Tubiana.
(Avec Le Monde)