Donald Trump, climatosceptique assumé, peut casser la dynamique de l’Accord de Paris

Avec l’élec­tion de Do­nald Trump, une pé­riode de forte in­cer­ti­tude s’ouvre sur la po­li­tique cli­ma­tique des Etats-Unis.  » Alden Meyer, le di­rec­teur du groupe de ré­flexion amé­ri­cain Union of Concer­ned Scien­tists (UCS), pré­sent mer­credi 9 no­vembre au Maroc pour la 22e confé­rence cli­mat (COP22), est in­quiet. « Cette an­nonce aura un effet psy­cho­lo­gique in­dé­niable, même si elle ne de­vrait pas blo­quer la ses­sion de tra­vail de Mar­ra­kech », es­time cet ex­pert en stra­té­gie

Do­nald Trump ne fait pas mys­tère de ses po­si­tions cli­ma­tos­cep­tiques. Pour lui, le ré­chauf­fe­ment est une in­ven­tion de la Chine pour af­fai­blir la com­pé­ti­ti­vité amé­ri­caine. Du­rant la cam­pagne, il a pré­venu : « Je vais an­nu­ler l’ac­cord de Paris sur le cli­mat. »" Cet ac­cord, avait dé­noncé le can­di­dat ré­pu­bli­cain lors d’un dis­cours le 26 mai, donne à des bu­reau­crates étran­gers le contrôle sur la quan­tité d’éner­gie que nous pou­vons consom­mer dans notre pays. " Il avait par ailleurs es­timé que les ef­forts pour li­mi­ter le chan­ge­ment cli­ma­tique al­laient « tuer l’em­ploi et le com­merce ».

De quelle marge de ma­nœuvre dis­pose-t-il ? Selon l’ar­ticle 28 de l’ac­cord, chaque par­tie peut se re­ti­rer « à l’ex­pi­ra­tion d’un délai de trois ans à comp­ter de la date d’en­trée en vi­gueur du pré­sent ac­cord ». « La dé­non­cia­tion prend effet à l’ex­pi­ra­tion d’un délai d’un an » à comp­ter de la dé­marche de re­trait. Un délai de quatre ans est donc -né­ces­saire. Si les Etats-Unis dé­ci­daient de quit­ter le cadre des né­go­cia­tions cli­ma­tiques, comme le per­met aussi l’ar­ticle 28, ils de­vraient res­pec­ter le même ca­len­drier de re­trait de l’ac­cord de Paris.

Les Etats-Unis risquent d’af­fai­blir le pro­ces­sus de né­go­cia­tion dont ils avaient le lea­der­ship ces der­nières an­nées. Ba­rack Obama et son se­cré­taire d’Etat, John Kerry, ont eu un rôle dé­ci­sif dans le suc­cès de l’ac­cord de Paris. En 2014, un an avant la COP21, sous leur im­pul­sion, Etats-Unis et Chine s’étaient en­gagé : Wa­shing­ton avait pro­mis de ré­duire de 26 % à 28 % ses émis­sions d’ici à 2025 par rap­port à 2005 et Pékin d’at­teindre son pic d’émis­sions de CO2 en 2030.

Ce vo­lon­ta­risme des deux plus gros émet­teurs mon­diaux de gaz à effet de serre a eu un effet d’en­traî­ne­ment sur les grandes puis­sances émer­gentes. « Les né­go­cia­tions cli­ma­tiques ont été ces der­nières an­nées le point fort de la co­opé­ra­tion entre la Chine et les Etats-Unis. Cette re­la­tion va être plus com­pli­quée », ana­lyse Alden Meyer.

Le coup d’ar­rêt amé­ri­cain pour­rait avoir l’ef­fet in­verse et pa­ra­ly­ser la dy­na­mique des né­go­cia­tions. Les pays plus ré­ti­cents, comme la Rus­sie, les Etats pé­tro­liers du Golfe ou la Tur­quie, pour­raient s’en­gouf­frer dans la brèche. Autre in­con­nue : la fu­ture ad­mi­nis­tra­tion ho­no­rera-t-elle les pro­messes fi­nan­cières faites par Ba­rack Obama ? Le pré­sident sor­tant a en­gagé le pays à ver­ser 3 mil­liards de dol­lars au Fonds vert pour le cli­mat (des­tiné à sou­te­nir les pays du Sud les plus vul­né­rables au ré­chauf­fe­ment). Pour le mo­ment, seuls 500 mil­lions de dol­lars ont été dé­blo­qués.

Sans at­tendre la vic­toire of­fi­cielle de M. Trump, la Chine a mis en garde les Etats-Unis. " Si – les di­ri­geants po­li­tiques – amé­ri­cains ré­sistent à la dy­na­mique ac­tuelle, je ne crois pas qu’ils au­ront le sou­tien de la po­pu­la­tion, et l’éco­no­mie et le pro­grès so­cial du pays se­ront éga­le­ment af­fec­tés ", s’est avancé le chef né­go­cia­teur chi­nois, Xie Zhen­hua.

Sur le plan in­té­rieur, le risque de re­tour en ar­rière est consi­dé­rable. Le « Clean Power Plan » (« plan pour une éner­gie propre ») est plus fra­gi­lisé que ja­mais. Clé de voûte de la po­li­tique cli­ma­tique de Ba­rack Obama, ce pro­gramme vise à ré­duire de 32 % d’ici à 2030 les émis­sions de gaz à effet de serre liées à la pro­duc­tion d’élec­tri­cité, no­tam­ment en sub­ven­tion­nant les éner­gies re­nou­ve­lables pour ac­cé­lé­rer la tran­si­tion. Sus­pendu de­puis fé­vrier en rai­son de la pro­cé­dure in­ten­tée par 27 Etats, ma­jo­ri­tai­re­ment ré­pu­bli­cains, le « Clean Power Plan » est dé­sor­mais dans l’at­tente d’un ar­bi­trage de la Cour su­prême, qui pour­rait lui être fatal.

Do­nald Trump a pro­mis qu’il sup­pri­me­rait l’Agence de pro­tec­tion de l’en­vi­ron­ne­ment, qu’il re­lan­ce­rait le pro­jet contro­versé d’oléo­duc Keys­tone XL, aban­donné par son pré­dé­ces­seur, et qu’il lè­ve­rait les res­tric­tions à la pro­duc­tion d’éner­gies fos­siles. Les cen­trales à char­bon comptent en­core pour plus de la moi­tié de la pro­duc­tion élec­trique dans qua­torze Etats et pour un tiers dans vingt-cinq autres. Elles re­pré­sentent à elles seules 40 % des émis­sions amé­ri­caines de CO2.

Les ob­ser­va­teurs font va­loir qu’en­tre­prises, col­lec­ti­vi­tés, et même cer­tains Etats sont déjà en­ga­gés dans une tran­si­tion éner­gé­tique, dont la Ca­li­for­nie est le fer de lance. L’Etat amé­ri­cain s’est en­gagé à ré­duire les émis­sions de ses cen­trales de 40 % par rap­port à 1990 d’ici à 2030 et à as­su­rer par des sources re­nou­ve­lables 50 % de son élec­tri­cité à la même date.

« Il y a un énorme mou­ve­ment, dans énor­mé­ment de pays, pour agir, et d’ailleurs l’éco­no­mie qui avance est celle des éner­gies re­nou­ve­lables, des trans­ports propres »,se ras­sure la né­go­cia­trice fran­çaise, Lau­rence Tu­biana.

(Avec Le Monde)

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